Ryan Murphy est le plus fort. Une fois de plus, l’homme de Nip/Tuck, Glee, American Horror Story, Scream Queens, Feud, Hollywood, Ratched fait mouche avec sa troisième saison de American Crime Story, dédiée à l’affaire Clinton-Lewinsky.
Pourtant, il y a plein de raisons de renoncer. Clive Owen en Bill Clinton et Edie « Carmela Soprano » Falco en Hillary, vraiment ? Un gros nez en maquillage pour Bill et Paula Jones ? Une histoire qui ne touche pas forcément les Français ? Et le filmage très académique, la Murphy’s touch ?
Mais voilà, Ryan Murphy sait qu’une bonne histoire commence avec de bons personnages. Et ça, il sait faire. Au lieu du biopic traditionnel, (les-faits-rien-que-les-faits, puisqu’on vous dit que c’est-réellement-arrivé), Murphy commence par motiver ses personnages. Pourquoi Paula Jones dénonce-t-elle Clinton ? Parce qu’elle a un mari arriviste… Pourquoi Kenneth Starr s’entête sur le couple présidentiel ? Parce que les Républicains ne peuvent supporter ces jouisseurs de gauche au pouvoir… Pourquoi Linda Tripp, une employée du Pentagone décide de faire copine-copine avec une petite stagiaire rondouillette ? Pour se venger de sa carrière en pente douce…
Alors que le spectateur ne pense qu’à une petite robe bleue, le showrunner ne la sortira (et encore, furtivement) qu’à la cinquième heure… Parce que Ryan Murphy est un formidable conteur, qui aime ses personnages et veut vous les faire aimer… Et il les aime tellement qu’il prend toujours les mêmes acteurs, quel que soit la série, le genre, le rôle…
Mais au fait, où est Sarah Paulson, sa chérie, sa muse ? En fait elle est devant nous depuis quatre heures, métamorphosée en Linda Tripp, quinqua épaissie et gauche, et on ne l’a même pas reconnue ! L’immense Sarah Paulson, capable de tout jouer. Se pliant aux fantasmes de Murphy, elle a déjà incarné dans American Horror Story une journaliste, une sorcière, une freak bicéphale, une junkie, une actrice, une mère paranoïaque… Dans American Crime Story, la Procureure Marcia Clark, dans Ratched une infirmière folle…
Mais dans un Murphy, tout le monde est bon, car tout le monde a quelque chose à jouer… Il semble d’abord que ACS:I tourne autour de Tripp, mais à mi-parcours, Monica grandit, sort de son rôle de jewish american princess et devient l’héroïne, avant d’être supplantée par Hillary. Si tous ces personnages sont chargés (assoiffée de vengeance, nunuche sentimentale, cocue résignée), elles sont aussi mises en valeur (Tripp utilisée puis rejetée dans les poubelles de l’histoire, Lewinsky petit bout de femme capable de redresser la tête, Clinton lancée dans la course politique)…
Il en va de même pour tous les rôles annexes, de l’agent du FBI (Colin Hanks), à la journaliste ultra-droite Ann Coulter (Cobie Smulders), ou la mère de Monica (Mira Sorvino)… La véracité des personnages permet d’envisager tous les points de vue, tout en permettant à Murphy de soutenir le sien : la sexualité ne devrait rien avoir à faire avec la politique…
Continuez, Mr Murphy. On en redemande…