vendredi 26 août 2022
America Latina
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]
Les cinéphiles sont des gens bizarres. On décide d’aller voir Rashōmon, le chef d’œuvre d’Akira Kurosawa pour enfin savoir ce qu’est un film-aux-multiples-points-de-vue-et-narrateurs-peu-fiables, et on finit au Reflet Médicis pour voir America Latina, un néo-Giallo.
Pourquoi ? Après de multiples atermoiements (faut-il préférer la séance de 19h10 plutôt que celle de 20 heures ? Ou au contraire voir le jap aujourd’hui et le rital demain ?) Manger un bout avant ? ou après ? Questions fondamentales de la cinéphilie…
Bref, nous voilà dans le noir à regarder un film uniquement recommandé par un pitch. Un pitch très excitant, en vérité : un chirurgien-dentiste à qui la vie sourit (épouse aimante, ados charmantes, très belle villa avec piscine et chiens) descend à la cave chercher du vin. Il y découvre, stupéfait, une adolescente bâillonnée. Qui est cette jeune fille ? Comment s’est-elle retrouvée là ? Mais surtout… pourquoi ne la libère-t-il pas ?
Pendant 90mn, les frères D’Innocenzo déroulent ce questionnement étrange et absurde, qui fait penser à la meilleure littérature fantastique, d’Edgar Allan Poe à Barbey d’Aurevilly. Mais en utilisant toutes les ressources du cinéma : images léchées et sanguines, champs/contrechamps bizarres (profil contre profil, contrairement aux face-à-face habituels), plans très rapprochés claustrophobiques, et bande-son extrêmement travaillée, aux sons anormalement amplifiés. Si la cadre est luxueux, l’ambiance est délétère.
On reprochera simplement à America Latina un final hyper explicatif dont on aurait pu se passer, car on avait déjà compris.
Que ça ne vous empêche pas d’aller voir ce petit diamant noir…
jeudi 25 août 2022
RIP Leon Vitali
posté par Professor Ludovico dans [ Les gens ]
Comme le faisait remarquer l’ami Fulci, sourire carnassier aux lèvres as always, « CineFast en ce moment, c’est l’actualité RIP-ils-nous-ont-quitté-cette-semaine, non ? ».
Certes, cher Ludo, mais l’actu c’est l’actu ! Et pas de chance, cette semaine, Leon Vitali n’est plus. Son histoire est intéressante à plus d’un titre, pour les fans de Kubrick comme pour ceux qui s’intéressent – un tant soit peu – au cinéma. Dans les années 70, Vitali est un jeune comédien de télévision. Repéré par Kubrick, celui-ci lui confie le rôle complexe de Lord Bullingdon, le fils d’un précédent mariage de Lady Lyndon, et Némésis de Barry Lyndon.
Leon Vitali n’aurait pu être qu’un des jeunes acteurs consommés par Kubrick, destiné à être jeté à la poubelle dès qu’un nouveau projet verrait le jour. Sue Lyon, Malcolm McDowell, Mathew Modine en ont fait l’amère expérience. Au contraire, Kubrick lui proposa de devenir son assistant sur Shining. Il le restera jusqu’à sa mort, chargé du casting de Full Metal Jacket et d’Eyes Wide Shut, et y interprètera même l’Homme à la Cape Rouge, l’ordonnateur de soirées très privées…
C’était cela le système Kubrick, un réseau très resserré, très familial, de collaborateurs (sa femme, sa fille, son beau-frère Jan Harlan… ) qui avaient son entière confiance. Vitali participa ainsi à la dernière partie – et pas la moindre – de l’œuvre du Maître.
Mais comme il est dit la fin de Barry Lyndon, « C’est sous le règne du roi George III que vivaient et se disputaient ces personnages ; bons ou mauvais, beaux ou laids, riches ou pauvres, ils sont tous égaux maintenant… »
mercredi 24 août 2022
Wolfgang Petersen
posté par Professor Ludovico dans [ Les gens -
Pour en finir avec ... ]
C’est la tragédie classique d’Hollywood, qui – telle Kali – dévore les petits enfants. C’est l’histoire d’un cinéaste qui réussit brillamment dans son pays : L’Échiquier de la Passion (un beau téléfilm sur les échecs avec Bruno Ganz) et bien sûr, son chef d’œuvre, Das Boot, (Le Bateau, aka le plus grand film de sous-marin jamais réalisé*) ou L’Histoire sans Fin (joli conte pour enfants capable de tirer une larme aux adultes…)
Et puis là, c’est le drame, Wolfgang Petersen fonce à Hollywood et réalise des nanars : Enemy, Troubles, Alerte !, Poséidon… C’est le triste destin de nombreux artistes étrangers, mangés par l’Usine à Rêves, et recrachés comme ouvriers consciencieux et disciplinés. Si quelques fortes têtes ont réussi (Billy Wilder, Fritz Lang, Paul Verhoeven, Michel Gondry…), d’autres sont devenus de simples techniciens (Renny Harlin, Mathieu Kassovitz, …) ou finirent broyés par Hollywood (Erich von Stroheim)
Dans le cas Petersen, surnagent néanmoins une GCA (Air Force One), un bon thriller (Dans la Ligne de Mire) et un péplum honorable (qui vaut surtout grâce à Brad Pitt, Troie). C’est peu et c’est beaucoup, car rien que pour Das Boot, Wolfgang Petersen est la preuve que Dieu existe.
*et le Professore Ludovico en connait un rayon…