Voilà un drôle de film, maintenant ! Qui commence comme une comédie sur la Seconde Guerre Mondiale avec une trépidante course-poursuite. 2h43 plus tard, Colonel Blimp se sera révélé une tragique réflexion sur l’amour, la mort et l’écroulement de l’Europe.
Le projet lui-même est étrange. Adapté d’un comic strip parodiant les vieux officiers anglais, Michael Powell transforme ce personnage iconique des valeurs anglaises en une histoire d’amitié anglo-allemande au long cours. La structure déroute tout autant. Le film commence par un jeune officier qui fait prisonnier, lors d’un exercice, le Colonel Blimp. Son argument : à la guerre comme à la guerre. Si les nazis trichent, les Anglais doivent aussi tricher pour gagner la guerre. Tout le contraire de ce que pense le Colonel Blimp : seules les valeurs traditionnelles de l’Angleterre : honneur, probité, respect de l’ennemi permettront de l’emporter.
On croit alors que le jeune homme est le héros du film, mais par une ellipse étonnante, le Colonel Blimp plonge dans la piscine du sauna et réapparait, quarante ans plus tôt, en jeune et fringant officier début de siècle. On ne suivra désormais que lui. Parti déjouer un complot anti-anglais en Allemagne, Blimp affronte en duel Théo, qui devient son ami. A tel point que Blimp le jette dans les bras de son amie Edith : les voilà mariés !
On va suivre alors leurs différentes rencontres, alors que la guerre enflamme l’Europe : sur le front de 14, dans un camp de prisonniers en 1919, puis en réfugié du nazisme en 1939. Dans le même temps, une histoire d’amour, perverse et contrariée, irrigue le film. Edith, dont Blimp a compris trop tard qu’il était follement amoureux, et qu’il n’aura de cesse de se réincarner dans d’autres femmes (une infirmière, une épouse, une jeune militaire, toutes interprétées par Deborah Kerr…)
Film à la fois très conservateur et très sexuel, Colonel Blimp est ce drôle de mélange : une ode à l’Angleterre Eternelle, et un long poème fétichiste à Deborah Kerr, tout en étant également crypto-gay.
Si avec ça, vous n’avez pas envie d’y jeter un œil, c’est à désespérer de CineFast