vendredi 21 avril 2023


Esterno Notte
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]

Cette Nuit Eternelle, qui raconte l’enlèvement d’Aldo Moro, a tout pour plaire sur le papier. Le sujet, les protagonistes (les Brigades Rouges versus la Démocratie Chrétienne), le chaos des Années de Plomb, assorti d’une maîtrise technique imparable. Si vous connaissez quelque chose au sujet, ou que vous n’y connaissez rien, ça reste intéressant.

Bellochio a une idée, voir l’enlèvement de Moro au travers des yeux de ses protagonistes : Moro lui-même, sa famille, le Pape, Cossiga, le Ministre de l’Intérieur, le couple de brigadistes, etc. Mais il n’a pas de point de vue, à part présenter Moro comme une sorte de saint*. C’est oublier la situation de l’Italie, la Dici au pouvoir depuis des décennies, l’intransigeance des Brigades Rouges…

Mais ne cherchez pas à trouver du cinéma, il n’y en a pas. Marco Bellocchio filme l’action telle qu’elle arrive : à plat.

Pourtant, contrairement à d’autres, Bellocchio essaye d’en mettre, du cinéma, mais il n’y parvient pas. Il veut par exemple filmer le patriotisme de Cossiga. Que fait-il ? Il montre des drapeaux italiens, vert, blanc, rouge, qui flottent au vent, qui sont abaissés le jour de l’enlèvement d’Aldo Moro, ou qui flottent mollement. Ça c’est du cinéma. Une image, pas de dialogue. Ce drapeau qui flotte mollement, c’est l’angoisse qui traîne dans Rome, quasiment sous couvre-feu. A un moment, le drapeau de l’appartement de Cossiga s’enroule autour du mât. Métaphore : Cossiga est noué de l’intérieur par sa culpabilité vis-à-vis de Moro, par sa femme (qu’il ne l’aime pas). Tout est dit. Ce drapeau entortillé l’obsède, on le voit. L’épisode décolle… Mais Bellocchio se croit obligé de jeter du dialogue. Cossiga se lève « C’est beau un drapeau qui flotte au vent ».

C’est tout le cinéma que vous trouverez dans cette Nuit Eternelle

*Il a en plus l’outrecuidance de se la jouer Fellini, Moro portant sa croix Place Saint Pierre. La métaphore n’est pas légère, et elle tombe à plat, juxtaposée au réalisme du reste…