On avait quelques doutes sur le génie Jacques Audiard. Les génies ne sont pas éternels, et Les Olympiades montraient quelques signes d’essoufflement, de vieillissement, chez l’un de nos plus grands cinéastes.
Le sujet d’Emilia Pérez n’était pas fait pour rassurer : un narco mexicain veut devenir une femme pour faire le bien sur la terre : on avait connu chez Audiard sujet plus réaliste.
Mais bon, nous voilà assis au fond du MK2 Bastille Beaumarchais, pour profiter pleinement, non pas de la photographie sublime de Paul Guilhaume, mais des 55 éclairages d’évacuation, quand Zoe Saldaña se met à chanter. Et à danser.
Et là, tout bascule.
Sur un tel sujet, un film sérieux (comme à l’habitude d’Audiard), aurait été abscons, irréaliste, insupportable de naïveté politique. Mais en comédie musicale, Emilia Pérez passe dans une autre dimension, celle de la fable, du conte moral.
Porté avec une grande fluidité par trois actrices d’exception (Zoe Saldaña, Karla Sofía Gascón et Selena Gomez) le film explose le genre. Pas le genre masculin, mais le genre cinématographique. Le film n’est pas une apologie de la transidentité, mais une métaphore du changement, une histoire de rédemption. Quelqu’un qui décide de changer tout pour devenir enfin, peut-être pas quelqu’un de bien, mais quelqu’un de mieux.
Audiard ne perd pas le réalisme en route ; tout le reste sonne juste : le Mexique, les narcos, le polar. L’intrigue, abracadabrantesque, retombe sur ses pieds dans un final impeccable.
Le génie français est de retour.