On l’avait dit avant que ça sorte : ça allait être super bien… ça l’est, mais comme le Professore a toujours quelque chose à dire, il y a quelques regrets aussi.
Deux, en fait.
Pour ceux qui ont vu Da Ali G Show, le film n’est qu’en fait l’américanisation de sketchs déjà connus : la bouffe chez les bourges, l’achat de pistolets antisémites, tout ça nous l’avons déjà vu en Grande Bretagne. Mais on sent bien que Sacha Baron Cohen veut pousser aux USA la logique plus loin, plus haut, plus fort. A l’américaine, donc. C’est aussi plus scato, avec deux trois gags assez vaseux, qui n’étaient pas dans la version originale. Personnellement, ça n’est pas mon truc.
Ensuite, des raccourcis de montage cassent un peu l’ambiance, et finalement, sont une leçon –en creux – sur le montage, c’est-à-dire l’art du cinéma. (On peut même dire que c’est la seule le seul art du cinéma, qui a tout piqué ailleurs (la photographie, la peinture, le théâtre, la musique)). Il n’y a de montage qu’au cinéma.
Une scène éclaire particulièrement mon propos. Quand Borat, en panne de voiture, monte dans un camping car de jeunes étudiants fêtards, il se passe un truc bizarre, qu’on pourrait appeler une « rupture de convention ». Le spectateur sait ce que ne savent pas les étudiants (selon le procédé de l’ « ironie dramatique ») : Borat est un imposteur.
Mais il manque une scène, celle ou Borat présente les deux caméramans qui montent avec lui dans le camping car. Car imaginez vous à leur place : un type fait du stop au bord de la route, avec derrière lui deux cameras, et des projecteurs. Vous allez peut-être vous arrêter, par curiosité. Mais vous allez vouloir en savoir plus : « Qui es tu ? Tu es Kazakh ? Tu fais un reportage ? ». Eh bien cette scène n’existe pas. Borat fait du stop. Le camping car s’arrête. Les étudiants acceptent de le prendre, il monte à bord et la conversation s’engage. En faisant cela, le film brise la convention qui nous lie depuis le début : bien sûr il y a une histoire (Borat, reporter Kazakh, traverse l’Amérique parce qu’il veut épouser Pamela Anderson), mais il y a aussi une autre histoire : on sait, par le buzz autour du film, que tout cela n’est qu’une imposture. Et même si je sais que les étudiants ne se sont pas des comédiens (ils ont même attaqué la production, affirmant qu’on avait profité de leur fort taux d’alcoolémie pour leur faire tenir des propos racistes), j’avoue que ce passage m’a laissé dubitatif.
Il reste néanmoins beaucoup de bon dans le film, et notamment cette distance parfaite qu’entretient Borat avec son propos. Il joue le raciste victime du racisme. Et d’un racisme bien spécial, le racisme condescendant, le racisme positif pourrait-on dire. On a envie de l’aider, ce pauvre Kazakh qui dit des horreurs sur les femmes, les juifs, les PD… On le comprend… Il pourrait être civilisé, comme nous, mais après toutes ces années de communisme, ma pauvre dame…
Et montre ainsi, derrière notre compassion, toute la force du préjugé.
3 janvier 2007 à 23 h 21
[…] * c’est d’ailleurs tout l’exercice de déconstruction auquel se livre Borat, notamment dans la scène du repas. […]
5 août 2009 à 22 h 22
[…] Borat, Sacha Baron Cohen et confirme tout le bien -et tout le mal – qu’on pensait de lui. Le bien, c’est que le cinéma proposé ici est révolutionnaire, mélangeant intrigue web […]