Tabous s’appelle en anglais Towelhead, tête de serviette, en un mot : bougnoule. Ça aurait été plus clair, mais probablement que l’ami Fulci ne l’aurait pas acheté (en plus de la bouche purpurine de Summer Bishil), et que je ne l’aurais donc pas vu.
Tabous est le nouveau paradoxe d’Alan Ball : scénariste d’American Beauty, créateur de la fabuleuse série Six Feet Under, mais aussi de True Blood, on a du mal à imaginer ces différentes créations dans la tête du même artiste. Autant Six Feet Under était subtil, autant American Beauty et Tabous ne le sont pas. Les deux films sont d’ailleurs très semblables ; la haine de la Banlieue Américaine y est tout aussi présente qu’inexpliquée, le sexe y est tout aussi répressif, et, les mêmes causes produisant les mêmes effets, les quadra US sont des grands frustrés qui ne rêvent que de se taper de nubiles adolescentes.
Pourtant, contrairement à American Beauty, je m’y suis intéressé jusqu’au bout. Il y a dans Tabous une ambition toute autre que d’y enfiler des clichés.
Pourtant il y en a des clichés : Jasira, adolescente de 13 ans, fille d’un couple americano-libanais, vit chez sa mère. Devant le comportement libidineux de son compagnon, la mère décide plutôt de se séparer de sa fille et de l’envoyer chez le père libanais, ingénieur à la NASA, à Houston. Rifat Maroun est une caricature du type qui veut s’intégrer à tout prix. Bannière étoilée dans le jardin, Vierge Marie dans la bagnole, mais devant sa télé, Rifat espère secrètement que Saddam gazera tous les yankees.(L’intrigue se déroule en 1991, pendant la première Guerre du Golfe). Intolérant, raciste, rien ne lui est épargné. En face, ce n’est pas mieux : Travis Vuoso, (excellent, comme toujours Aaron Eckhart) est un pur produit redneck : réserviste, patriote, mari frustré face à une épouse frigide… Au milieu de la bataille, le couple de gauche qui écoute forcément Edie Brickell and the Bohemians (Toni Colette et Matt Letscher) et qui veut faire le bien, même malgré elle, de la pauvre Jasira. La Nouvelle Lolita subit certes le racisme texan (towelhead !) Mais va surtout découvrir sa sexualité et comprendre le pouvoir qu’elle peut exercer sur les hommes…
Nous avons donc d’un côté, un décor d’opérette et des personnages à la limite de la caricature, mais au service d’un propos des plus rafraîchissants : et si la sexualité était quelque chose de positif ? Et si malgré un père abusif, un beau-père peloteur, un voisin mateur, on pouvait survivre ? Rien que pour ça, et pour la candeur de l’actrice principale, Tabous vaut le détour.