Couverture de 20 Minutes, cette semaine. Un soldat, un titre : « Un chef d’œuvre » et une signature : Première. Première, LE magazine du cinéma en France depuis trente cinq ans. De quoi parle Première ? De The Artist ? De Contagion ? De Hugo Cabret ? Non, de Battlefield 3, blockbuster du jeu vidéo qui sort cette semaine. Bien sûr, il ne s’agit que d’une publicité. Bien sûr, Première continue à parler majoritairement de films. Mais l’idée que des publicitaires préfèrent citer un magazine de cinéma grand public plutôt que Joystick ou PC Jeux en dit long sur ce qu’est devenue cette industrie, qui a dépassé en dollars le cinéma, et ce, depuis 2001.
Nous nous demandions où était passé la GCA, elle était là, sous nos yeux, sur nos téléviseurs. Mais nous ne la voyions pas… soit nous n’avons pas de console, soit nos enfants en ont, et nous sommes déjà trop vieux pour y comprendre quelque chose.
Le Professore encourage pourtant son lectorat fidèle à jeter un œil sur ces œuvres, en dépassant le baratinage moraliste de saison (le-jeu-vidéo-qui-tue-nos-enfants) et en acceptant que Super Mario n’est pas Dead Island, tout comme Cars2 n’est pas La Nuit des Morts Vivants. La question n’est d’ailleurs pas d’y jouer, mais bien de regarder ces jeux. Peut-être tomberez-vous, comme le Professore, sous le charme esthétique d’un Final Fantasy, sous l’humour ravageur d’un GTA, sous la nostalgie irrépressible du Western Red Dead Redemption.
Car ces jeux, comme Battlefield 3, Call of Duty Modern Warfare, Rage bientôt, sont les dignes successeurs des Top Gun, Quand les Aigles Attaquent, ou Mad Max de nos chères années 70-80.
Même vision bourrine de la guerre, de l’héroïsme à deux balles, « Putain ca fait mal mon lieutenant* » et de suprématie yankee. Les ricains attaquent Téhéran dans Battlefield 3, mijotent des mauvais coups à Cuba dans Call of Duty. Quand à Rage, l’apocalypse post pétrolière est au bout du chemin…
Il reste seulement au jeu vidéo de gagner en maturité, de prendre un peu de distance avec son propre produit, de proposer une autre vision plus critique, ou plus artistique (à l’instar de la scène dite indépendante)… Ce qu’il ne manquera pas de faire, mécaniquement, par le vieillissement et l’élargissement de son public.
*Le visionnage concomitant de Centurion – péplum pseudo moderne dans la forme et rance dans le fond – ne fait qu’élargir dans mon esprit le canyon qualitatif, déjà gigantesque, entre un cinéma grand public à court d’idées et le jeu vidéo virevoltant de créativité, ou la série télé, seul produit de divertissement adulte que sont en mesure de nous proposer les Etats-Unis d’Amérique.