On me met en demeure via le jeune Giovanni Drogo (N’as-tu donc pas mieux à faire jeune Drogo ? Surveiller ton désert, par exemple ?), de sortir de cette antienne pro-américaine qui fait la spécificité de CineFast, et de s’ouvrir enfin au cher vieux pays en vantant les mérites du cinéma hexagonal. Et on me jette en pâture Melville et Sautet.
Je veux bien m’incliner, mais pas devant ces deux-là ! Pour des raisons fort différentes, d’ailleurs. Melville est pour moi un bon réalisateur (Le Cercle Rouge, L’armée Des Ombres) mais aussi un esthète chiant (Le Samouraï, Les Enfants Terribles). Gotlib avait, en son temps, pointé les clichés du cinéma melvillien dans une Rubrique à Brac assez bien vue. Melville a gardé depuis sa mort une sorte d’aura un peu incompréhensible, mais bon !
Sautet est plus doué (Un Mauvais Fils, Vincent, François, Paul… Et Les Autres, Max et les Ferrailleurs) mais il est – et ce n’est pas de sa faute, évidemment -, l’inventeur du cinéma bourgeois à la française qui depuis fait florès. Un cinéma qui fait tout le charme de notre production germanopratine : des histoires de médecins et d’avocats, qui ont des problèmes d’adultère de médecins et d’avocats, pour un public de médecins et d’avocats.
Donc s’il me faut défendre notre cinéma, je choisirais un autre binôme, plus proche de ma nostalgie et de mon panthéon personnel : Yves Boisset et Pierre Granier-Deferre. S’agissant du premier, qui certes ne fait plus que téléfilms ou des mauvais films depuis Le Prix du Danger (1983, tout de même), voilà un réalisateur qui a enchanté mes années 70 : Le juge Fayard dit le Shérif, Espion, lève toi, Un Taxi Mauve, La Femme Flic, Dupont Lajoie, RAS : la liste est longue de films qui certes ne sont pas des chefs d’œuvre, mais forment une œuvre qui tient la route. Des films « de gauche » comme on disait à l’époque avec des comédiens formidables (l’immense Dewaere, bien sûr, mais aussi Lino Ventura, Jean Carmet, Michel Piccoli, Philippe Léotard, etc.) Ses films étaient des films engagés, mais toujours avec un scénario en béton, dialogués, avec de l’action. Et ils n’hésitaient pas à se colleter avec les problèmes du temps : les agissements du SAC, la corruption des notables locaux, la guerre en Algérie, le racisme ordinaire… Des problématiques qu’on appelle aujourd’hui, trente ans après, à voir enfin sur nos écrans de télévision.
Pierre Granier Deferre est un peu comme Yves Boisset (sauf qu’il vient de mourir !). On lui doit Adieu Poulet, mais aussi Le Chat, La Horse et l’excellent Une Etrange Affaire avec Piccoli et Lanvin. Il a aussi réalisé ensuite un paquet de niaiseries dont l’inénarrable et cultissime Toubib avec Alain Delon et Véronique Jeannot. Mais pour la bonne partie de sa cinématographie, il fut un réalisateur rigoureux et un scénariste minutieux.
28 novembre 2007 à 8 h 57
Le soldat perdu dans le désert hippique … à la Capdevielle lol … vous remercie … Dommage l’article est un peu court, on n’a pas le temps de savourer et en plus manque une ch’tite conclusion saupoudrée des jugements définitifs dont tu as le secret … Mais on saluera bien humblement l’effort …
PS : tu n’as pas du bien regarder le Samourai parce qu’on tient là un des meilleurs Delon, à ranger avec ses prestations Viscontiennes, avec Le Cercle Rouge, avec Monsieur Klein … bref avant qu’il soit vieux et nostalgique, avant qu’il ne concurrence son copain Bébél sur les rôles de Superflic
PS2 : citer Sautet sans citer Mado ou Un Coeur en Hiver (son plus beau) … tssss … même le soit-disant plus mauvais film de Sautet (Garçon, 1983 je crois avec Montand et Villeret) est une merveille de sensibilité … Franchement, dire que Sautet fait du cinéma bourgeois est un cliché, un raccourci un peu facile … Trouve moi un cinéaste américain qui a traité des mêmes sujets avec autant de réussite tiens ! Enfin Sautet est celui qui a relancé la carrière de Romy … et rien que pour ça …
28 novembre 2007 à 14 h 26
Pas vu Mado. U coeur en hiver m’avait beaucoup plus, mais c’est typiquement le cinéma bourgeois. Pour le reste, vous avez raison, le cinéma américain ne s’intéresse jamais à ça. D’ailleurs, le cinéma américain vomit les riches : ils sont souvent montré sous un mauvais jour, tandis qu’on glorifie la middle class à longueur de films.
29 novembre 2007 à 1 h 00
Cher Drogo,
Merci Merci mille fois.. d’abord de nous lire, enfin de lire le professeur car pour l’instant, les trois autres mousquetaires sont un peu aphasiques du clavier, et ensuite pour lui secouer un peu ces certitudes sur KUUUUUBRICK.. ah mais ! c’est vrai à la fin, à part « Shinning » qui décolle un peu la pulpe, le reste… ça tire à la ligne.. ça c’est le danger aussi à shooter à 12 durant 27 mois… ça devient une drogue..
Tu me permettras aussi (on se tutoie .. en petit comité.. ) de relever l’ironie du sort qui nous donne comme principale audience.. un fan du cinéma français… si no e vero, e ben trovatto .. il est vrai des années 70.. Plus facile déjà.. Personnellement j’aurais convoqué Alain Resnais quand même, je n’ai pas revu « Providence » ou « Tu n’as rien vu à H » depuis un certain mais de mémoire attention Poids lourds… et par contre j’ai vu y’a pas si longtemps « Marienbad » et bien malgré toutes les vannes et caricatures connotées qui ont circulé sur ces films.. ça le fait grave…
Ceci dit, même avec Deville ou les premiers Cornaud, les années 70 appartiennent au cinéma italien.. C’eramo tanto amato… Salopard de Berlusconi… Asassino.. Biz
29 novembre 2007 à 20 h 30
Ah enfin une autre personne pour varier les plaisirs … Je ne suis pas fan du cinéma français (et encore moins du cinéma actuel français … quoique, « très bien merci » ou « flandres » montre que ce cinéma peut encore avoir de l’audace) mais je ne suis pas pro-américain pour autant … et compte tenu de mes origines, je suis loin de cracher sur le cinéma italien sous toutes ses formes (Bertolucci, Visconti of course, Fellini je connais peu, Pasolini … mais aussi les artisans du « bis » comme Lenzi et surtout Fulci qui a fait du vrai cinéma d’auteur dans les 70s avant quelques grosses daubes dans les années 80) … Bon, avec tout ça, je vais finir par passer pour « bon public », avec un sens critique sous-développé, je vais donc rappeler que je suis hostile à Jeunet sans Caro et sa copine Tautou, que je me refuse à voir du Michael Moore … enfin bref j’aime pas tout non plus … mais j’attends quand même que les critiques ciné en herbe de ce site parlent d’autre chose que les blockbusters US, de Larry Clark, de Fassbinder (je sais il est allemand lol), de Ferrara, de Carpenter, de Cronenberg, de Peckinpah, de Milos Forman, de Costa-Gavras, bref … du cinéma que j’aime et pas de ci-néfaste 🙂 … A bientôt j’espère, Mister FrameKeeper …