Qu’est-ce qu’un CineFaster, sinon la version moderne du cinéphile ? Cette génération-là (Godard-Truffaut-Rivette) a prouvé en son temps, malgré des premiers films séminaux, qu’elle était bien composés d’excellents critiques de cinéma plutôt que de réalisateurs au long cours.
A CineFast, nous nous inscrivons dans cette démarche critique : faire découvrir que derrière l’arbre Tâcherons d’Hollywood se cache une forêt d’auteurs (Simpson/Bruckheimer, Bay, Mann, Fincher).
Avec comme modèle l’insurpassable Hitchcock par Truffaut, probablement la plus grande opération de réhabilitation cinématographique* qui eut jamais existé.
Tout ça pour dire que nous n’aimons pas le cinéma US actuel, mais bien TOUT le cinéma américain. Regarder La Lance Brisée d’Edward Dmytryk sur RTL9 participe donc de cet effort.
Effort, car La Lance Brisée est un film d’un monde ancien : pas le Far West, mais plutôt les années 50. Valeurs surannées, autoritarisme paternel, amour éternel, autant dire la planète Pluton. Mais une fois plongé dans l’intrigue, le film devient universel.
Un jeune homme, Joe, sort de prison. Ses frères l’accueillent assez fraîchement : des dollars, un lopin de terre en Oregon, mais tu dégages ! Joe veut plus que ça, mais quoi ? Une visite dans une hacienda abandonnée, un portrait tutélaire qui semble dominer les ruines, et nous voilà plongés dans un gigantesque flashback qui expliquera tout…
La Lance Brisée ressemble à un western, mais c’est plutôt une tragédie grecque, avec conflits oedipiens de fils préférés ou délaissés. Et c’est aussi un film sur le racisme et les faux-semblants de la bonne société de l’ouest, à l’orée de l’Age Moderne… La fin du monde en fait : les querelles ne se règlent plus à coup de gunfight, mais au tribunal. Les vieux héros solitaires doivent céder la place au capitalisme des corporations.
Un film qui mérite pour une fois l’adjectif cinématographique habituellement honni du CineFaster : crépusculaire.
*« Hitchcock »
de François Truffaut et Helen Scott
Editions Gallimard