Dallas Buyers Club est un piège à cinéphiles américanophiles, mais on met du temps à s’en rendre compte.
Un piège à ours formidablement appâté, en fait : un cast en acier trempé (Matthew McConaughey, Jared Leto, Jennifer Garner) des performances d’acteur en veux-tu en voilà (20 kg perdus par les acteurs, selon l’axiome de Niro*) et l’inévitable rédemption : J’étais homophobe, mais au contact de la communauté gay, je vais devenir quelqu’un de bien. Evidemment Based on a True Story.
Ça commence pourtant bien, avec un Matthew McConaughey plus vrai que nature en texan drogué, baiseur de putes, amateur de rodéo, et donc raciste et homophobe. Vive le Texas !
Mais notre cowboy électricien découvre très vite, à la faveur d’un accident du travail, sa séropositivité. On lui donne trente jours à vivre. Passé l’incrédulité, les insultes aux toubibs (dont l’adorable Jennifer Garner), Ron Woodroof se renseigne, et comprend. Cette pute toxico, baisée l’an dernier…
Ça pourrait être une histoire extraordinaire, avec un réalisateur un peu plus abrasif, type Steve McQueen. Mais c’est Jean-Marc Vallée qu’on a pourtant connu plus saignant, avec son démontage familial C.R.A.Z.Y. Mais malheureusement on est à Hollywood, et rapidement, on comprend que Vallée s’est fait piégé et qu’il est en charge de réaliser un film-dénonciation des magouilles autour de l’AZT. Le médicament prescrit au début des années 80 semble faire des miracles, mais en fait détruit les malades. Woodrof lui, a compris. Il va essayer de se procurer plein de médicaments, puis, faute de mieux, lancer le Dallas Buyers Club, une association où contre 400$, on vous fournit tous les médicaments dont vous avez besoin. Une façon de contourner les règlementations fédérales de la FDA, qui prise sous la férule des méchants lobbies de l’AZT, fait tout pour empêcher les gens de se soigner correctement.
On retombe alors, comme vous pouvez le voir, dans le pire des manichéismes US, où les méchantes multinationales oppriment le peuple et l’empêchent de profiter de ses principales libertés fondamentales, où l’esprit d’entreprise est récompensé (car Ron devient vite très riche avec son association), où la gentille toubib va démissionner face à l’icurie hospitalière, et où notre Ron va tourner gay friendly au contact du travesti Rayon**. Vous l’avez compris, on n’est pas dans Michael Clayton…
Le film devient donc horriblement prévisible et ennuyeux. Dommage, mais ça n’empêchera pas Matthew McConaughey de décrocher l’oscar. Et ce n’est pas grave, parce qu’il le mérite pour l’ensemble de son œuvre…
* depuis Raging Bull, un acteur qui ne fait pas l’effort de perdre vingt kilos, d’en prendre quarante, de se défigurer, de devenir sourd, aveugle, ou paralytique n’est pas près de gagner la statuette…
** formidablement joué par Jared Leto, mais desservi par ces dialogues camp qui ne dépareraient pas du Rocky Horror Picture Show