Bonne nouvelle : Neil Labute est vivant ! On l’avait laissé mourant avec The Wicker Man. Il revient, même si c’est encore au travers d’un film de genre, avec sa subtilité et son anticonformisme habituel.
L’histoire est classique : un jeune couple s’installe dans une banlieue angeleno, et se retrouve harcelé par un flic vindicatif. C’est déjà l’argument de plusieurs films dont Obsession Fatale avec Ray Liotta.
Mais ici, Labute introduit un grain de poivre : le conflit racial, et surtout, il en inverse les clichés : le harceleur est flic et noir, le harcelé est blanc, la harcelée est noire. Un triangle de tensions explosif, qui révèle toutes les contradictions de la société américaine. Si je me plains d’un flic, c’est que je suis démocrate, si je me plains d’un noir, c’est parce que je suis blanc, etc.
Le personnage du harceleur est porté avec toute la subtilité nécessaire par Samuel L. Jackson. Flic, noir, religieux, républicain, veuf éploré, père de famille autoritaire, Abel* semble n’être qu’un bloc. Pas tant que ça pourtant. Le decent american cop expose sa négritude partout, mais il a tout fait pour s’installer dans un quartier blanc, et réprimande sa fille au moindre écart de langage trop black. Et fait comprendre au petit blanc que malgré sa femme noire, et sa passion pour le rap, il ne sera jamais assez noir.
En face, le mari compose, compense, porte le fardeau de l’homme blanc : le racisme, principe consubstantiel du Maître blanc ? Il s’énerve contre son voisin noir ? « Comme avec mon père, chéri ! » lui répond son épouse. Aucune échappatoire possible.
Soutenu par son producteur Will Smith (noir), Labute (blanc) se régale, dans ces situations politiquement incorrectes où il excelle. Et si le thriller reste très classique, malgré la métaphore de L.A. en flammes, ce harcèlement vaut le détour.
*Labute n’a pas oublié son passage à l’église mormone : son méchant s’appelle Abel (un autre brother, plutôt victime), et son martyr… Chris.