dimanche 1 juin 2014


La Chambre Bleue
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Mathieu Amalric confirme toute l’étendue de son talent, qu’on savait immense. Acteur d’abord, double/Antoine Doisnel de Desplechin, acteur chez les Larrieux mais aussi chez Spielberg ou James Bond… Et maintenant réalisateur d’un film remarqué, Tournée, ode foutraque à la scène et au monde du spectacle. Cette fois-ci, Amalric s’attaque à plus gros : Simenon et sa Chambre Bleue.

On n’a rarement vu, à vrai dire, un fait divers aussi bien adapté. Si l’on oublie quelques péchés véniels au début, certains acteurs faibles, et des dialogues qui auraient pu être réécrits pour sonner plus contemporains, le reste est parfait.

De l’histoire, au début, on ne sait rien, si ce n’est que le héros, Julien, concessionnaire en matériel agricole, a une relation adultère avec la pharmacienne d’un petit village au cœur de la Beauce… Par petite touches, la vérité ça se dévoile. Quel crime a été commis ? Par qui ? Pour quoi ? On ne saura pas tout mais une partie du voile sera levé.

Mais ce n’est pourtant pas l’intrigue qui intéresse Amalric, pas plus que Simenon d’ailleurs. Ce que veut Amalric, c’est montrer de l’intérieur le cauchemar de se retrouver embarqué dans la tragédie d’un faits divers. Faire de mauvais choix innocents (tromper sa femme, avec la mauvaise maîtresse) et se retrouver en enfer.

C’est pour ça qu’il a choisi de se confier le premier rôle, celui d’un homme veule et indécis, balayé entre sa fille, ses femmes (Léa Drucker, décidément excellente, et Stéphanie Cléau), et les arcanes de la justice… jusqu’à se demander s’il n’est pas devenu fou.

La forme de cette Chambre Bleue est au service du fond, comme cette moissonneuse-batteuse luisante, insecte illuminé dans la nuit beauceronne… Ou ce bleu que l’on trouve partout, ou encore ce motif des guêpes que l’on trouve au début et à la fin du film.

Amlaric atteint l’objectif fixé par William Burroughs – déstructurer le langage artistique comme la pensée, qui est fragmentée – en découpant d’un film au gré de l’inconscient de son personnage principal. Au milieu d’un interrogatoire, le souvenir d’une mouche sur le nombril de sa bien-aimée. Ou pendant le réquisitoire, alors que le procureur prononce des mots terribles, son cul.

Amalric a su entendre la petite musique de Simenon, et la restituer dans toute sa subtilité. Il a su faire l’artiste tout en restant compréhensible, chapeau Mathieu.


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