Il y a parfois des petits miracles. L’intersection, tout simplement, entre une envie de cinéma et sa réalisation la plus parfaite.
Mommy est de ces films-là. Un film qu’on n’a pas envie de voir (trop de hype Libé, trop de branchouillerie Inrocks) mais qu’on va voir quand même, par le hasard de recommandations du boulot croisées avec les envies de Mister Stratocaster.
Et là, c’est la claque. Ce cinéma que nous appelons de nos vœux : inventif, graphique, nouveau, dérangeant… Ce cinéma qui n’a peur de rien, et qui ose tout. Qui ne cherche pas à se réfugier derrière les clichés du genre, ou tout simplement derrière un genre en particulier.
L’histoire est casse-gueule : une mère qui aime son fils qui aime sa mère. Le tout à la folie, malgré l’évidente toxicité du fils (incroyable Antoine-Olivier Pilon).
Le talent de Xavier Dolan, c’est de se servir de toutes, absolument toutes les ressources du cinéma. De jouer avec les genres. Vous croyez que le film est une charge contre la mère, trop possessive et pas assez clairvoyante, limite incestueuse ? Cinq minutes après, Xavier Dolan aura inversé la donne. Et cela n’aura pas l’air absurde. Vous aimez ce jeune homme, fou, et libre ? Deux minutes après, il vous terrorisera.
Ces renversements sont quasiment impossibles dans le cinéma actuel, qui survalorise, parfois jusqu’à l’absurde, la méthode dans le scénario. Poser les enjeux dans les premières minutes, caractériser les personnages, les faire évoluer selon un schéma cohérent pendant deux heures, puis résoudre ces enjeux. Une méthode que par ailleurs nous défendons fortement ici, c’est-à-dire le cinéma populaire parfaitement incarné par Titanic. Comme par hasard, c’est le film préféré de Xavier Dolan.
Mais pourtant, ce petit jeu de la méthode scénaristique, Dolan refuse de le jouer. Ou plutôt nous propose d’en changer régulièrement les règles. Parce que la vie c’est comme ça. Tout simplement. Filmer la vie réelle : une idée odieuse dans 99% des cas (chez les Dardenne par exemple) mais qui ici fonctionne à plein, parce qu’il y a un fabuleux raconteur d’histoire(s) aux commandes. Histoires avec un S puisque le cinéaste s’amuse même à proposer des scènes alternatives au sein de son propre film, dans un flash forward qui va probablement devenir célèbre.
Ensuite, Dolan c’est un cinéaste, qui utilise la lumière, la musique (formidable BO, avec Dido, Celine Dion ou Lana de Rey, à l’image du joyeux foutoir qu’est Mommy), et le cadrage, pour raconter son histoire (on n’en dira pas plus).
Enfin Dolan aime les gens, tous les gens, même ceux qui ont une faille, car chaque vie est une tragédie. En mettant dans ce même bocal trois personnages fêlés (comme on parle d’un vase prêt à se casser), il ne les regarde pas comme Kubrick l’entomologiste, c’est à dire des insectes dont on étudierait les faits et gestes pour mieux les épingler dans une collection. Non, pour Dolan, il s’agit de nous faire aimer ces personnages pour leurs qualités, sans pour autant nier le moindre de leurs défauts.
C’est une gageure, qui dit en creux le niveau de réussite de Mommy.
22 juin 2015 à 22 h 52
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6 décembre 2015 à 18 h 35
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