Intéressant de voir l’adaptation d’un livre culte que l’on n’a pas lu. On sent le bouquin derrière, les gages concédés aux fans hardcore, mais dans Millenium, ça n’affecte pas la compréhension de l’œuvre… contrairement, par exemple, au Seigneur des Anneaux.
Avec Män Som Hatar Kvinnor*, on passe un bon moment. Enfin, façon de parler : meurtres enlèvements, nazis, immolations, tout y est. Non, ce qui est bien rendu, c’est cette ambiance glauque des pays scandinaves, déjà très bien rendu dans L’Hôpital et ses Fantômes, ou Les Idiots de Lars von Trier. Ou plutôt, Festen, dont l’ambiance se rapproche le plus. Mais ici, pas de Dogma, on est dans le polar le plus classique.
En 1966, Harriet, héritière de la famille Vanger, a disparu. Depuis, tous les ans, son assassin envoie une fleur sous cadre à son grand père, Henrik, qui décide de missionner le journaliste Mikael Blomkvist pour enquêter. En parallèle, une mystérieuse hackeuse gothique, Lisbeth, se fait persécuter par son tuteur.
L’ambiance est là, certes, mais le suspense, non. Quand la vérité est révélée, difficile d’applaudir à deux mains, car rien, dans les deux heures précédentes, ne nous permettait de trouver la solution de l’énigme. Hors, selon la Loi d’Olivier (il faudra un jour que je publie les grandes lois CineFastiques, largement inspiré de mes petit(e)s camarades cinéphiles), si le metteur en scène a toutes les cartes en main (et le spectateur aucune), alors il joue à Dieu, et alors, c’est pas juste ! Et il a raison Olivier ! A la fin de Millenium, ça pourrait aussi bien être le père, le frère, le cousin ou la belle sœur, on n’en serait pas plus étonné. Pire, on s’en fout.
Sans rien dévoiler, disons juste que la confession finale sort un peu de l’ordinaire, et qu’elle apporte un peu de fraîcheur à dans ce genre de scène assez convenues.
Ce qui amène, en passant, à constater les différences entre roman et cinéma. Si cette révélation finale a passionné les lecteurs de Millenium, c’est que pendant les heures passées à dévorer le livre, ils ont eu le temps de s’intéresser à cette enquête, à apprendre à aimer (ou à détester) les personnages, à s’associer (ou non) à leur destin, en bref, à vivre avec eux pendant plusieurs semaines. Le cinéma, c’est différent : on a deux heures à passer ensemble (comme un livre de Marc Levy), donc on ne peut pas faire dans la fioriture. Il faut poser l’enjeu des le début : Mikael dévoilera-t-il l’assassin de Harriet Vanger ? Et surtout, jalonner le film d’indices. Le spectateur doit être avec lui, il ne peut pas être lui.
Autre sujet de méditation, très Framekeeperienne, cette fois-ci : Millenium est-il un film chrétien ? Sûrement, mais chrétien fondamentaliste, et donc, un film américain.
Le héros est très à gauche, et son géniteur, Stieg Larsson, l’était aussi. Mais le film montre, avec une complaisance très américaine (L’Arme Fatale, 24…) des scènes de torture. Soit. Mais aussi une scène de vengeance que je n’ose appeler mimétique (y’a-t-il des girardiens dans la salle ?)
Sans rien en dire, résumons simplement le propos : tu m’as fait ça, je te fais exactement la même chose ; on m’a fait ça quand j’étais enfant : je me vengerai de la même façon. Ces scènes sont filmés dans la longueur, avec une certaine délectation, qui tranche avec le propos « démocratique » du livre/film : Mikael Blomkvist se bat pour ses idées, et pour que la justice, et la vérité triomphe.
Mais non, ici, c’est œil pour œil. Dent pour dent. La loi du talion, si chère aux fils d’Abraham, à l’ancien testament, donc au cinéma US**, et si absente de notre cinéma européen (sauf le cinéma d’action, directement sous influence américaine). Dans un film français, on va chercher (même dans la douleur) l’application de la justice, ou du pardon. Ici, aucun pardon n’est possible.
Parce que la Suède est protestante ? Ou parce que le film (le livre) est sous une inconsciente influence US ? Ou parce que la gauche n’est pas à une contradiction près sur le christianisme ? On ne saurait le dire…
* Cherchez Millenium sur IMdB, vous n’êtes pas près de trouver !
** FrameKeeper, nous attendons votre thèse de troisième cycle sur le sujet !
26 mai 2009 à 20 h 31
Ouais, bon, peut-être, m’enfin moi j’ai bien aimé quand-même. Pour une raison simple : Lisbeth. Trop bonne, ma parole !
Dommage qu’elle se change en quintessence de pétasse dans la dernière scène…
26 mai 2009 à 20 h 53
euh, c’est un dé-gui-se-ment olivier ! et je suis pas sûr qu’on rigole tous les jours avec la demoiselle…
2 juin 2009 à 21 h 47
I’m here mais j’ai perdu mes codes… donc je comparais via un commentaire pour l’instant. J’ai un avantage sur le professeur, j’ai lu la trilogie… loin du niveau d’un CONNELY (michael oeuf corse) mais tout de même prenant, bien sur par le personnage de Lisbeth parce que BLOMQUIST.. c’est à peu près un Malko Linge de gauche (plus personne ne lit SAS j’imagine mais je le tente pour ceux qui ont un grenier de parents accessible). Donc déjà l’auteur malheureux de cette trilogie n’a jamais lu Girard car s’imaginer qu’on peut se taper la suède entière en ne laissant sur son passage que des pétales de roses et des bons souvenirs, c’est un peu tomber dans une grosse marmite d’illusion romantique… (pourtant depuis Stendhal, la fabrique est fermée… sûrement un produit de contrebande). Curieusement cet aspect du héros est totalement absente du film, le Directeur de casting n’ayant pas hésité à recruter un quadra boutonneux à côté duquel James Wood fait figure de bébé rose.. Provocation ? D’une certaine manière, ce film est le modèle (ouais le paradigme si vous voulez) de ce qu’il ne faut pas faire en terme d’adaptation .. là où le livre repose sur les personnages (surtout une) et une certaine immersion lente dans un univers suédo journalistique, le film taille dans le lard et tente le coup du scénario qui déchire.. ce qui fait tout de même un gros flop.. Personnellement à la fin, avec le pauvre copain qui m’avait traîné là (c’est de sa faute, je voulais voir Star Strek), on se bidonnait méchamment (et nous n’étions pas les seuls) en listant les poncifs inversés de la relation Lisbeth/blomquist:
– elle le viole (pas sur qu’il ait eu le temps de jouir vu le profil)
– elle joue les mélancoliques dans la toundra (genre « il me plait bien mais faudrait pas qu’il s’attache »)
– il lui fait un bon petit café pour l’amadouer
– elle l’envoie promener parce qu’il fait rien qu’à appeler les flics (ah ces journalistes de gauche.. pas de couilles…)
– et quand même elle lui sauve la vie mais ce con il est au bord d’appeler amnisty international pour qu’ils enquêtent sur la mort de ce pauvre nazillon..
Bref, nous sommes loin de la route antique des hommes pervers… et de la démystification de la violence et du sexe… Larsson passe beaucoup de temps à se justifer d’aimer profondément les femmes et à postuler que tous les autres mecs sont des nazis violeurs au pire, de sombres bertrand Cantat (cantet ? non c’est un autre) en puissance au mieux, mais c’est quand même pour mieux les sauter en toute innocence… je comprends que l’adaptateur ait renoncé à cet aspect du livre… Il est également comme tous les pacifistes fasciné par la violence (voir Kalifornia.. là ça déchire) mais près à toutes les contorsions pour arriver à en légitimer certaines formes.
C’est d’ailleurs ce qui sauve le livre car c’est en torturant la biographie de Lisbeth de manière assez habile qu’il parvient à créer un personnage légitimement amoral qui peut scarifier les vieux porcs et dézinguer du nazillon sans encourir les foudres du Télérama local (Télémarkbillyerktorp ?)
Le professeur a raison c’est bien le problème de la gauche non chrétienne ou chrétienne d’ailleurs (toujours prête à se couvrir de cendres pour excuser son pape, c’est vrai qu’il y met désormais sérieusement du sien) « la violence c’est mal sauf pour les très très méchants… » et encore après enquête contradictoire… Mais en revanche, le cinéma français peut s’abstraire de cette piètre impasse, grace notamment à Jean Dujardin:
– contre enquête, twist un peu faible mais très incorrect
– cash, excellent scénar d’arnaque et de vengeance froide
– OSS 117-2 d’une certaine façon. la tirade de shylock par un nazi, fallait des corones…
Bref le Fincher Suédois est encore à naître et si vous connaissez une candidate qui voudrait s’y coller (plutôt en limite d’âge que fan de Beyoncé, désolé chacun ses perversions) pensez à moi …
Biz
21 février 2012 à 19 h 19
[…] pour le reste, Millenium le film ne fait que révéler – encore plus que sa version européenne* – la vacuité de Millenium le livre. Délire masochiste d’un écrivain maudit (le […]
7 mars 2017 à 16 h 02
[…] faudra deux heures pour apprendre la vérité, tout aussi minuscule que ridicule. Une fois de plus, la Loi d’Olivier se vérifie. Un cinéaste ne peut pas être le dieu omniscient de son univers, sans donner au moins […]