Il n’y a rien de plus triste au monde que de voir un artiste détruire sa propre œuvre. Leonard de Vinci revenant au Louvre rajouter du eyeliner à sa Joconde, avec un peu de gloss, pour faire plus moderne… (en parlant de la Joconde, on y reviendra dans une prochaine chronique). Ou simplement piétiner le fabuleux jardin à l’anglaise* qu’est Alien, comme le fait ce sequel de Prometheus et ce prequel du film mythique qui lança la carrière du frère de Tony Scott pour le meilleur (Blade Runner) et pour le pire (à peu près tout le reste)…
Ridley Scott, Botticelli moderne, vient brûler Alien aux pieds de son Savonarole à lui : Hollywood ? Le Public en transe ? Personne ne vient obliger le pauvre septuagénaire à faire une suite à son chef-d’œuvre. Et surtout, de la signer. Car comme Prometheus, Alien Covenant ferait une très bonne série B, produite par Mr Scott… si on enlevait la mythologie Alien. Mais ça ne se vendrait pas pareil.
Bizarrement, Alien Covenant est à la fois meilleur et pire que Prometheus… Là où le truc est plus intéressant, c’est qu’il propose une forme de conclusion à l’ensemble : d’où viennent les aliens ? Qui les a conçu ? Qu’est-ce que la Création ? Qu’est-ce qu’un androide peut penser de tout ça ? Cela donne quelques scènes plaisantes avec Michael Fassbender, mais, dans le même temps, ça ôte au passage toute la poésie et la force de l’Alien, premier du nom, un pur « extra-terrestre » : « un survivant… dénué de conscience, de remords, ou des illusions de la morale... »**
Le reste d’Alien Covenant, par contre, est un immense et consternant décalque des grands moments du film initial : poursuite dans le couloir, beep-beep, avec l’équipage principal du vaisseau qui descend régler les problèmes sur une planète inconnue comme un seul homme (à la Star Trek), puis qui se séparent (entre parenthèses : n’ont-ils pas vu Alien, ce film célèbre il y a une centaine d’années ? ; il ne faut JAMAIS se séparer). Puis, ces personnages, à qui Ridley Scott n’a donné aucune âme, parce qu’il n’en a plus lui-même en tant qu’artiste depuis 1983, ces personnages iront combattre dans le garage, il y aura des chaines et de la pluie qui tombe, etc.
Bref c’est une grosse déception, mais pourquoi y aller ? Pour entendre la musique inégalée de Jerry Goldsmith, pour revoir encore une fois les merveilleuses créatures de Giger, ou un petit mobile en plastique – en forme de pivert – laper l’eau d’un verre oublié.
* qui vise, comme chacun sait, à la redécouverte de la nature sous son aspect sauvage et poétique (cf. Wikipedia)
** La tirade de Ash, avant d’être … réduit en cendres par Ripley : « A survivor… unclouded by conscience, remorse, or delusions of morality. »
23 janvier 2018 à 13 h 00
[…] BOTTOM 3 1 Nocturnal Animals 2 Tombé du Ciel 3 Alien:Covenant […]