Après avoir visionné le pilote et un bon tiers de la saison 1, il est temps de revenir sur l’événement SF de ces dernières années, j’ai nommé Battlestar Galactica.
Rappelons d’abord qu’un film, qu’une série, c’est un pari. L’auteur te défie, camarade spectateur : « je vais faire la suite d’Alien, mais je vais révolutionner le concept ! » et à la fin, tu regardes si c’est réussi (Aliens), ou pas (Alien:Resurrection). Ici, Ronald Moore fait le pari suivant : « Je vais prendre une série, la plus ringarde de tous les temps, et je vais la en faire une série intelligente, politique, moderne ». Ou, selon ses propres mots : « Il y a là un géant endormi, son nom est connu de tous, sa voix rappelle quelqu’un. Pendant un bref moment, il a fait bouger la Terre, racontant de grandes histoires de choses qui n’ont jamais eu lieu, puis a trébuché sur son renom et s’est endormi dans un sommeil profond… »
Alors, pari réussi, ou pas ? Eh bien, on pourrait dire que le verre est à moitié plein… Ou à moitié vide, c’est selon.
A moitié plein, parce que le pari est tenu. Moore a réalisé l’exploit de lifter Battlestar Galactica, et de la transformer en série sérieuse, abordant de grands sujets de société. (Rien que ça, ça pique les yeux…)
Même au cinéma, ces thèmes sont rarement abordés ; pour parodier le générique de Star trek, Battlestar Galactica va où « personne n’était encore allé ». Terrorisme de survie, machiavélisme gouvernemental, choix politique cornéliens, Battlestar Galactica est la première série à poser ces questions dans le futur, et surtout, à imaginer l’impact d’un événement épique (la destruction de la race humaine) sur le quotidien des quelques survivants (Collaborer ou périr ? sacrifier les prisonniers de droit commun ou sacrifier des innocents ?)…
A ce titre, Battlestar Galactica est un peu la version démocrate de 24…
Mais la série est aussi à moitié vide, aussi, parce qu’elle n’atteint pas le niveau du Golgotha sériesque (rappelons – pour les âmes simples -, la Sainte Trinité TV : The Wire, Les Sopranos, Six Feet Under.)
Battlestar Galactica est bien, même très bien, mais elle « n’a pas tout d’une grande ». Elle innove, mais ne va pas jusqu’à la révolution : les situations, les intrigues sont classiques (problèmes de couple, relations père-fils, aventures spatiales, tout cela est finalement commun, seul le contexte les rend exotiques).
Graphiquement, la série souffre des maux endémiques de la SF américaine : des moyens, mais pas d’ambition : le design, les décors, les costumes sont moches et sans saveur, pour ne pas dire peu crédibles.
A leur décharge, la qualité dans ce domaine, c’est l’exception : décors de Blade Runner, Alien, costumes de Dune, mais sinon, quoi d’autre ? Il faudra chroniquer ça un jour…
Enfin, il manque une touche personnelle. Ronald Moore a finalement peu de choses à dire à travers sa série, il fait de l’entertainment (et il le fait très bien). Mais il faut la rage et l’amour de Baltimore pour faire Homicide ou The Wire, il faut la grande frustration d’être homosexuel en Amérique pour écrire Six Feet Under, il faut l’humiliation d’être italo- américain pour faire les Sopranos. David Simon, Alan Ball, David Chase, mettent leurs tripes sur la table, et cela se voit.
Ronald Moore est juste là pour nous distraire (rien de mal à ça), et il nous fait en plus réfléchir : qui s’en plaindra ?