Qu’est-ce qui pourrait sortir le Professore Ludovico de sa retraite confinée ? Mathieu Kassovitz, qui donne une interview à Konbini. C’est ici, car contrairement à Apocalypse Now, il faut regarder la version longue.
Comme disait Desproges à propose de Marguerite Duras, Kassovitz a dit beaucoup de conneries, il en a aussi filmé. Mais on ne peut lui retirer ni sa sincérité (qui lui a souvent causé du tort), ni son talent, en tant que réalisateur (La Haine, Les Rivières Pourpres) ou acteur : Regarde les hommes tomber, Un héros très discret, Munich, Le Bureau des Légendes, ni son véritable amour du cinéma…
Et là, en quarante minutes, il explique pourquoi le cinéma ne fait plus rêver. Et comme vous n’avez pas quarante minutes, le Professore vous fait la synthèse.
Gratos.
- Avant, aller au cinéma était un événement ; il n’y avait dans l’année qu’un Star Wars, qu’un Superman… on l’attendait plein de désir, car il n’y en avait pas d’autres. Aujourd’hui, il n’y a que des Star Wars…
- Les effets spéciaux numériques ont tué la magie du cinéma. Dans Mad Max 1, on frémissait pour les acteurs/cascadeurs en se demandant « comment ils avaient fait ça » … Dans Mad Max 4, on est convaincus que tout est en CGI*. On a plus peur pour personne. On ne ressent plus rien.
- On ne sait pas exactement ce qu’on voit. « Dans 1917, il y a des explosions. Sont-elles vraies, sont-elles rajoutées ? On ne plus rêver… »
- Au contraire, les frères/sœurs Wachowki ont tout compris ; avec Matrix ils ont inventé quelque chose de nouveau pour dire quelque chose de nouveau. La technique au service du message…
- C’est le contraire dans le cinéma français : les réalisateurs ne s’intéressent pas assez à la technique. Dans les films de Spielberg, chaque plan a une raison d’être. Dans un film français, le réalisateur ne sait pas pourquoi ce plan est filmé comme ça… c’est le boulot du chef op’, du monteur…
- Les scénarios sont devenus inutilement compliqués : Tenet, Ad Astra, Interstellar… au bout de dix minutes, on est perdus, et on ne se rappelle plus de rien en sortant de la salle…
- Fight Club a été la fin du commencement et le commencement de la fin ; la fin d’une certain type de société et aussi d’un certain type de cinéma.
- Ce sont les contraintes qui font l’art : le requin animatronique des Dents de la Mer qui ne marche pas, le costume d’Alien qui est ridicule en plein jour, ou Besson sans le sou pour le Dernier Combat, voilà qui obligent les metteurs en scène à inventer. Cacher le requin le plus longtemps possible, filmer Alien dans le noir, filmer dans des friches industrielles sans le son avec des vieilles cameras : c’est de ces contraintes que sont faits les films… or ces contraintes n’existent plus…
- « Dès que j’ai vu l’oreille coupée avec la musique dessus, je me suis dit qu’il y avait un problème » : Kassovitz règle son compte à Tarantino et à sa trop nombreuse cohorte de fans en transe. Avant Tarantino, la violence c’était mal. Montrer de la violence au cinéma, c’était politique. Après Tarantino, la violence est devenue rigolote, funky.
- Tarantino, deuxième couche : « refaire pour 100 M$ des films Z qui ont coûté 100 000$, tout le monde peut le faire… »
- Les réalisateurs ne font plus que 30% d’un film : tout est déjà prévu en pré-production, storyboardé, pré-animé, pré-monté : une fois arrivé sur le tournage, il n’y a plus qu’à faire de la politique : éviter les conflits sur le plateau, arbitrer avec le studio, etc.
- « Marcel Carné, si vous n’avez pas vu ça… on ne peut plus faire grand-chose pour vous ! »
Que dire de plus ?
26 novembre 2020 à 9 h 34
Bain il est où le pouce pour plusser ? Je veux pouvoir plusser, moi !
26 novembre 2020 à 12 h 55
On note aussi que le Professor Ludovico n’a pas retenu – sans doute de façon intentionnée – la remarque de MK sur les séries … parce que le discours de MK n’est PAS « le nouveau cinéma est incarné par les séries » …
31 décembre 2020 à 21 h 26
oui c’est vrai cher Ludo… on voit que ce n’est pas sa came… mais il cite quand même the wire et descend Breaking bad, donc c’est pas si mal…
31 décembre 2020 à 21 h 27
Cher ostarc, vous pouvez lever un pouce sur Facebook ou Twitter, ou le Professore publie ses chroniques sur Sens Critique … mais pas celle là, car ce n’est pas un film à proprement parler…
17 janvier 2021 à 0 h 46
Estimado Astrid, muchas gracias por sus bonitas palabras. Ebba Geno Neva