Les cinéphiles sont des gens bizarres. On décide d’aller voir Rashōmon, le chef d’œuvre d’Akira Kurosawa pour enfin savoir ce qu’est un film-aux-multiples-points-de-vue-et-narrateurs-peu-fiables, et on finit au Reflet Médicis pour voir America Latina, un néo-Giallo.
Pourquoi ? Après de multiples atermoiements (faut-il préférer la séance de 19h10 plutôt que celle de 20 heures ? Ou au contraire voir le jap aujourd’hui et le rital demain ?) Manger un bout avant ? ou après ? Questions fondamentales de la cinéphilie…
Bref, nous voilà dans le noir à regarder un film uniquement recommandé par un pitch. Un pitch très excitant, en vérité : un chirurgien-dentiste à qui la vie sourit (épouse aimante, ados charmantes, très belle villa avec piscine et chiens) descend à la cave chercher du vin. Il y découvre, stupéfait, une adolescente bâillonnée. Qui est cette jeune fille ? Comment s’est-elle retrouvée là ? Mais surtout… pourquoi ne la libère-t-il pas ?
Pendant 90mn, les frères D’Innocenzo déroulent ce questionnement étrange et absurde, qui fait penser à la meilleure littérature fantastique, d’Edgar Allan Poe à Barbey d’Aurevilly. Mais en utilisant toutes les ressources du cinéma : images léchées et sanguines, champs/contrechamps bizarres (profil contre profil, contrairement aux face-à-face habituels), plans très rapprochés claustrophobiques, et bande-son extrêmement travaillée, aux sons anormalement amplifiés. Si la cadre est luxueux, l’ambiance est délétère.
On reprochera simplement à America Latina un final hyper explicatif dont on aurait pu se passer, car on avait déjà compris.
Que ça ne vous empêche pas d’aller voir ce petit diamant noir…