Pour des raisons totalement inexplicables, nous n’avons jamais parlé de First Cow, le plus grand film de Kelly Reichardt, son cours marxisto-cinématographique sur la création de valeur et la naissance du capitalisme vers 1820, au fin fond de l’Oregon.
Deux femmes se promènent, de nos jours, sur les rives d’un fleuve. Un cargo passe au loin. Elles découvrent deux squelettes. C’est l’introduction sèche de First Cow, qui ne sera qu’un immense flash-back pour raconter comment ces squelettes se sont retrouvés là.
On découvre, deux cent ans plus tôt, ces trappeurs qui font commerce, en plein territoire indien, de la fourrure de raton laveur. Le Far West n’existe pas encore, les Etats-Unis sont une petite nation peuplée essentiellement à l’Est. Otis Figowitz est un jeune juif d’Europe centrale, qui va rencontrer King-Lu, un jeune chinois avec qui il se lie d’amitié. Les deux compères vont s’associer pour survivre dans ce monde brutal. Au-delà du symbole (l’Amérique est la fusion des peuples du monde entier) First Cow raconte rien de moins que la naissance (et la brutalité) du capitalisme.
Les deux jeunes gens, qui obtiennent immédiatement la sympathie du spectateur, vont « voler » le lait de l’unique vache de la colonie pour fabriquer de délicieux gâteaux. D’abord très appréciés, le duo va vite être démasqué.
A partir de ce tout petit argument, d’un décor minimaliste (un coin de forêt, la colonie, son pré, une vache), Kelly Reichardt crée comme d’habitude des personnages attachants, du suspens, et de l’émotion. Le B.A.-BA du cinéma. Mais elle fait aussi de la politique, sans faire du pontifiant.
Du grand art, vous dis-je.
NB : Tous les Kelly Reichardt passent en ce moment sur OCS. Vous n’avez pas d’excuse.