On dit souvent ici que certains films ont une tête mais pas de cœur, selon la belle formule du Prince d’Avalon. Jeanne du Barry, ce serait plutôt l’inverse : beaucoup de cœur et pas beaucoup de tête. On voit bien que Maïwenn est à fond dans son projet, qu’elle y met des choses éminemment personnelles (le plaisir, les pygmalions) et que, pour cela, elle a voulu incarner elle-même du Barry. C’est souvent une erreur, car rares sont les metteurs en scène qui arrivent à se diriger.
Le film laisse une drôle d’impression : mal foutu, l’incohérence du propos et la caricature pèsent sur le film, qui reste aimable quand même : on a du mal à lui en vouloir…
Maïwenn semble tout simplement ne pas avoir réfléchi à ce qu’elle voulait dire. Selon l’anecdote, elle voulait filmer des improvisations d’acteurs comme à son habitude, puis y a renoncé. Les incohérences abondent : après avoir validé les vertus du libertinage pendant une bonne heure, Maïwenn découvre (sic) le « côté obscur du roi » qui a une autre favorite. Elle plaint à la fin la pauvre plébéienne, guillotinée comme une noble par la Terreur, comme si elle n’avait pas vécu – et profité comme eux – des privilèges l’Ancien Régime.
Incohérences de l’intrigue, ensuite : des personnages disparaissent sans raison (la fille très chrétienne de Louis XV, raccordée sur le fil par une voix off pontifiante), ou agissent sans raison (les autres filles qui complotent ouvertement à la table du Roi, qui vient pourtant de démontrer son pouvoir absolu).
Caricature, enfin : si ses personnages principaux sont relativement crédibles (Johnny Depp impérial en Louis XV, la bonne idée de caster une star Hollywoodienne qui en impose par sa seule présence, ou Maïwenn en libertine amoureuse, plutôt attachante), les autres personnages sont efféminés, stupides, racistes*.
Reste la désagréable (et habituelle) impression d’une fascination pour les rois et les reines dans un Cendrillon 2.0.
Le film n’est tout simplement pas assez radical dans son propos, façon Marie Antoinette de Sofia Coppola, ou pas assez sérieux, pour loucher du côté de Barry Lyndon, référence évidente de la cinéaste (35mm et éclairage aux bougies).
Dommage car il y a de bons moments dans cette du Barry Lyndon.
*L’histoire réelle de Zamor, jeune enfant noir adoptée par la du Barry s’éloigne énormément du conte de fées de Maiwenn (anecdote copyright el Professorino)