mercredi 28 juin 2023


Hernán
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]

C’est la bonne surprise du mois. Hernán fait partie des séries « Théorème de Rabillon » : une série sur la conquête du Mexique, ça ne court pas les rues. La preuve, y’en a aucune. Jusqu’à Hernán, en tout cas. 

Donc on regarde quoi qu’il arrive, même si on ne connaît personne dans le casting, même si ça a l’air d’être une production fauchée mexicano-espagnole (ce qu’elle est…)

Pour le Professore, c’est la série casse-gueule par excellence. Ici, on est sur les terres du Ludovico, et il a la gâchette facile. À la première incartade, un bon coup d’arquebuse ! Mais en réalité, Hernán coche toutes les cases historiques de cette incroyable et terrible épopée qu’est la conquête du Mexique. Cortes n’est pas présenté comme une brute sanguinaire, les conquistadors ne sont pas venus pour convertir les Aztèques au christianisme, mais pour l’or, et pour rattacher cette province au Roi d’Espagne. Les Aztèques ne sont pas des idiots, ils savent que les Espagnols ont débarqué, et ils font tout pour qu’ils repartent… Si Moctezuma prend un instant Hernàn Cortes pour dieu, celui-ci le détrompe immédiatement. L’empire aztèque va tomber, non par bêtise, mais parce qu’il opprime tous les peuples alentour, et que Cortes, fin stratège, les a rangés de son côté. Tout cela étant fortement documenté dans le chef d’œuvre sur le sujet, La Conquête du Mexique, le témoignage de visu de Bernal Díaz del castillo, d’ailleurs un des personnages de la série.

Ne pas succomber au misérabilisme naïf, ni à une repentance absurde, reprendre cette histoire honnêtement et scrupuleusement, voilà les qualités déjà immenses d’Hernán.

Après, le cinéphile en demande toujours plus… Côté fiction, la série est beaucoup plus faible. Les personnages sont esquissés, mais pas développés. La narration à base de flashbacks, pour aboutir à la Noche Triste, ne sert pas à grand-chose. Et il manque du souffle, du sense of wonder, de l’étrangeté.   

Hernán peine à retranscrire ce choc inédit de civilisation : le monde gréco-judéo-chrétien, monothéiste, percutant de plein fouet les immenses civilisations précolombiennes, polythéistes, tout autant évoluées. La stupéfaction de ces petits Blancs d’Estramadure devant les pyramides colorées « plus grandes que Rome » est décrite abondamment par Díaz del castillo, mais la série n’en fait rien. Une scène est révélatrice de ce manque d’ambition. Dans un flashback, les conquistadors marchent depuis des semaines vers Tenochtitlan, la capitale aztèque. Ils franchissent la dernière montagne : gros plan sur leur émerveillement, puis contrechamp sur la ville : une île au milieu d‘un lac. Le plan est très mal fait, on ne voit rien, c’est un plan fixe. Pourtant, la série a bien reconstitué la ville en 3D, on en voit des bouts à plusieurs reprises. C’est comme si les showrunners n’avaient pas su quoi faire de cette scène, pourtant capitale… Il manque tout simplement à Hernán un artiste habité d’une vision. Le Werner Herzog d’Aguirre, ou le Mel Gibson d’Apocalypto.

Hernán est l’habituelle série historique, avec des hommes debout, en costume et l’épée à la main, qui commentent l’histoire au lieu de la vivre.   


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