mardi 26 septembre 2023


Anatomie d’une Chute
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Il aura fallu toute l’énergie du Professorino pour traîner le Professore jusqu’à Anatomie d’une Chute. Le film était d’ores et déjà plombé par une Palme des Alpes-Maritimes et les déclarations tonitruantes de Justine Triet sur la dictature Macroniste (on peut en dire des choses, mais plus intelligentes que celles-là !). Néanmoins, nous voilà à Bastille, devant la bête…

Existe-il meilleure position, en réalité, pour aller voir un film ? On a aucun désir, sinon faire plaisir à son fils. On est frais, on est prêt, on prépare ses punchlines. Le Professorino ne s’y trompe pas : sur le trajet, il sait qu’on réfléchit déjà au démontage en règle de la table basse Ikea de Mademoiselle Triet.  

Mais voilà, Anatomie d’une Chute, c’est une mécanique de haute précision : pas un gramme de graisse, un scénario au cordeau cosigné de Monsieur Triet (Arthur Harari, notre chouchou d’Onoda, 10 000 nuits dans la jungle). La mise en scène Trietienne est à l’avenant : millimétrée, avec une parfaite direction d‘acteur, passant du français à l’anglais – la langue du couple (tout sauf un détail, on le verra), mélangeant de façon inédite des numéros d’acteurs et des parties quasi documentaire lors du procès.  

Pour cela, il faut des acteurs exceptionnels, et ils sont là, à commencer par l’ « héroïne », absolument parfaite en allemande glaciale. Coupable, forcément coupable, Sandra (Sandra Hüller) a-t-elle tué son mari ? S’est-il au contraire jeté du balcon de son chalet savoyard ? Le spectateur navigue entre toutes ces versions, comme s’il assistait lui-même au procès.

Au milieu de tout cela, un avocat général pugnace et retors  (Antoine Reinartz), un avocat avec ses propres motivations (Swann Arlaud), un chien qui joue vachement bien, et un enfant, extraordinaire, (Milo Machado Graner), dont la coupe de cheveux évoque le Danny de Shining, et qui évidemment s’appelle Daniel…

À tout moment, on tremble : et si le film trébuchait ? Et si Triet sortait la grosse ficelle américaine du film de procès ? Ou se mettait à errer dans le film à thèse à la française ? Non, Justine Triet est implacable, inflexible, elle domine son sujet. Il n’y aura pas de rhétorique facile ou de rebondissement malvenu, ça n’arrivera pas, même dans la dernière ligne droite.

Miracle de Cannes, pour une fois, la Palme couronne un chef d’œuvre, un vrai.


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