Un film sur la Guerre de Sécession qui invoque Kelly Reichardt, c’est comme un Neuf et un Valet à la Belote, on prend.
Mais Les Damnés, on prévient, c’est un peu pour cinéphiles. Un film court (1h30), mais lent, très lent, et contemplatif. Un film des années 70, façon Missouri Breaks ou Jeremiah Johnson, qui suit une escouade de l’armée nordiste en patrouille dans le Montana, donc autant dire aux bordures du monde.
Loin de Gettysburg, de la Shenandoah, de Shiloh, loin du folklore des Bleus et des Gris. C’est bien le sujet de Roberto Minervini : questionner le film de guerre, questionner le western. Les personnages échangent librement sur les raisons de leur engagement, où les résolutions sont religieuses (l’esclavage est un péché), ou purement économiques… On tirera certes quelques coups de feu, mais filmés comme rarement*.
Minervini est comme embedded dans cette patrouille de cavalerie, il les filme au plus près, mais, comme un journaliste, se planque quand ça commence à tirer. On a rarement filmé la guerre de façon aussi peu héroïque, et donc, aussi juste.
Il s’agit plutôt d’une errance, des Américains qui découvrent leur pays, son immensité, son intense beauté et ses nouvelles richesses**.
Ces soldats, qui doivent garder un territoire alors qu’il n’y a personne en vue – on pense au Désert des Tartares – se voient vite coincés. Il faut trouver un passage dans les montagnes… Roberto Minervini se gardera bien de conclure, prouvant à l’évidence qu’on est en plein territoire Reichardtien.
* Sauf peut-être Les Frères Sisters de Jacques Audiard
**Un morceau de quartz trouvé laisse entendre qu’il y a de l’or pas loin…