Au moment où sortent de nouveaux opus de Toy Story, de Shrek – en 3D évidemment -, où le producteur de l’ogre vert, Jeffrey Katzenberg, fanfaronne sur « le futur du cinéma », il est intéressant de se plonger dans la presse de la Mère-Patrie (Newsweek et le New York Times*), deux titres qui viennent de sortir des articles vengeurs sur le mythe de la 3D.
Celui qui s’attaque à cette nouvelle technologie n’est pas n’importe qui, c’est Roger Ebert lui-même. Roger Ebert, une icône populaire aux Etats Unis, qui a popularisé avec son compère Gene Siskel, l’expression « Two thumbs up! » : dans leurs émissions de télé, les deux chroniqueurs s’étripaient sur les films de la semaine. A la fin, à la romaine – pouce levé ou pouce baissé – les deux compères décidaient du sort du film. Deux pouces levés étaient rarissimes, signe d’un film immanquable*
Dans Newsweek, Ebert passe la 3D à la moulinette : ça fait mal aux yeux, c’est sombre, les lunettes diminuent le champ de vision, ça n’apporte rien à l’histoire, c’est cher pour le spectateur, c’est souvent de la fausse 3D (recollée en post-production comme dans Le Choc des Titans), et surtout, ce n’est pas adapté à tous les films « Irez-vous, ironise-t-il, voir le dernier Woody Allen, parce qu’il est en 3D ?»
Le New York Times reprend peu ou prou les mêmes arguments, y ajoutant le lobbying intensif des studios pour que les salles s’équipent. Car ce qu’il faut comprendre, c’est l’immense enjeu économique qui se cache derrière cette pseudo polémique « artistique » : pas moins d’un tiers du prix d’un billet de cinéma.
En effet, grosso modo, la moitié de votre billet va à la salle, et la moitié au distributeur. Il paye ses frais, prend sa marge, et rend ensuite le reste – le net – au producteur.
Car le distributeur a beaucoup de travail ; c’est lui, à ses frais, qui tire des copies du film pour qu’il soit diffusé dans les salles, qui assure les frais de marketing, d’affichage, de promotion. Le distributeur a la main sur le nombre de copies, la stratégie de distribution, et quelque part, la longévité du film en salles : c’est lui qui « dimensionne » le film : 10 copies (50 000 euros) ou 600 copies (4 millions d’euros)
D’où l’intérêt d’équiper les salles en numérique, ce qui est comme par hasard, indispensable pour la 3D. En supprimant la partie copie (qui pourrait être remplacé par la fibre optique et un gros disque dur dans la salle), l’industrie du cinéma se débarrasse donc d’un poste coûteux.
L’Ogre Shrek n’est pas celui qu’on croit.
*On les voit faire dans Y’a-t-il un Pilote dans l’Avion
C’est là :
– NYT du 7 mai 2010-07-11
– Newsweek du 30 avril
– Les Echos, de leur côté, se demandent le « Quels contenus pour la 3D ? »
15 octobre 2015 à 18 h 44
[…] à la séance du dimanche. La fameuse innovation qui devait tout révolutionner dans le cinéma (dixit Jeffrey Katzenberg) ne se vend pas si bien que ça, comme le témoigne les mentions « disponible en 2D également […]