mercredi 2 novembre 2022


The Batman
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

Pour regarder sereinement The Batman, il faut faire fi – comme pour tous les films super-héros d’ailleurs – de l’inanité du propos. A savoir un justicier qui règle seul les problèmes dont la police est censée s’occuper ; les problèmes en question étant en réalité la corruption endémique de ladite police Gotham City ; et que, pour résumer, il s’agit d’un justicier solitaire associé à une police corrompue qui fait taire des gens qui dénoncent cette corruption ; tout cela sans autre forme de procès qu’un bon coup de poing dans la gueule…

Cherchez l’erreur. Si souvent, les méchants de cinéma veulent juste dominer le monde (ou le détruire), les antagonistes de Batman sont souvent des redresseurs de torts : The Riddler veut dénoncer le trafic de drogue, la maltraitance des enfants de l’orphelinat, Harvey Dent, la corruption de la police, Ra’s al Ghul veut sauver la planète et Bane veut s’attaquer au capitalisme boursier…

Ce qui fait des films parfaitement bancals, où l’on soutient les méchants (en désapprouvant un peu leurs méthodes expéditives, tout en ayant peu d’empathie pour le soi-disant héros (qui ne fait pas d’efforts pour être aimable), mais dont on finit par accepter les méthodes extrêmement expéditives pour arrêter les méchants, devenus trop méchants… et finalement soutenir le pouvoir en place.    

Si l’on accepte de faire fi de tout cela, alors oui, The Batman est un très bon film de genre. Matt Reeves, déjà brillant auteur de Cloverfield, de Let Me In et de deux Planètes de Singes, développe ici à la fois une telle esthétique visuelle et une telle maestria qu’il est difficile de ne pas rester en admiration, comme devant une toile de maître. Le film est long et bourré d’idées, mais son cinéma est au service de ces idées, et de ses (bons) acteurs. La narration est fluide, pas encombrée des affèteries nolaniennes… De sorte que ce Batman-là est un pur moment d’entertainment. Que demander de plus ? Le Professorino avait raison : il fallait voir ce Batman-là.




samedi 29 octobre 2022


You shake my nerves and you rattle my brain
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... -Les gens -Playlist ]

Too much love drives a man insane
You broke my will, but what a thrill
Goodness, gracious, great balls of fire

I laughed at love ’cause I thought it was funny
You came along and moved me honey
I’ve changed my mind, your love is fine
Goodness, gracious, great balls of fire

Kiss me baby, woo feels good
Hold me baby, well
I want to love you like a lover should

You’re fine, so kind
I want to tell the world that you’re mine mine mine mine

I chew my nails and I twiddle my thumbs
I’m real nervous, but it sure is fun
Come on baby, drive my crazy
Goodness, gracious, great balls of fire




lundi 24 octobre 2022


Illusions Perdues
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

On découvre le cinéma français. On découvre Xavier Giannoli. Devant l’unanimité critique et copinesque, on a fini par craquer pour Illusions Perdues. Et là, c’est le choc : un film très beau, très bien construit, qui croit au cinéma, avec des acteurs au top niveau. Cécile de France lumineuse, Benjamin Voisin déjà vu dans Un Eté 85 mais qui explose ici, Vincent Lacoste enfin dans un autre rôle, Xavier Dolan, Jeanne Balibar, Salomé Dewaels et même Depardieu comme on l’a pas vu depuis longtemps.

Dans une construction simple mais efficace (The Rise and Fall of Lucien de Rubempré), le film use intelligemment de la voix off (souvent la jambe de bois des films qui ne tiennent pas debout). Mais il use de tout le cinéma sans souci d’esbrouffe. La reconstitution est belle, mais pas envahissante. Les effets sont là, mais à bon escient. On est avec Lucien, puis on le déteste…

Ne parlez pas d’une adaptation de Balzac, c’est bien d’un grand film dont il s’agit.




vendredi 21 octobre 2022


Rings of Power/House of the Dragon
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]

Pour qui s’intéresse à la fantasy, il est intéressant de regarder en même temps Lord of the Rings: Rings of Power, et House of the Dragon. Le Professore Ludovico ne le souhaitait pas, mais le Professorino l’y a obligé. Si la génération Millenials se fout un peu de ce qui sort au cinéma, il est hors de question d’être en retard à Game of Thrones.

Le Seigneur des Anneaux / Game of Thrones, c’est en effet la différence entre high fantasy et low fantasy. En gros, beaucoup de magie dans Le Seigneur des Anneaux, et juste un petit peu dans Le Trône de Fer.

Mais ce qui est intéressant ici, c’est qu’il s’agit de deux prequels. La Maison du Dragon se déroule 200 ans avant GoT, Rings of Power des milliers d’années avant. Les deux séries seront évidemment regardées à l’aune de leurs glorieux ancêtres. L’une vient de se terminer (GoT), l’autre accuse ses vingt ans d’âge. Revue de paquetage…

Pas la peine de lambiner, tout le monde le dit, The Winner IsHouse of the Dragon. Malgré des décors plutôt moches bourrés de CGI, la saga de la famille Targaryen est musclée, character-driven, et, on oserait dire : au-dessus de son ainée ! Mais il est vrai que l’on compare 8 épisodes à 73. Centrée sur une seule intrigue, l’éternelle problématique de la succession médiévale, HoD a tout compris du Moyen Âge, de ses enjeux et de ses passions, et des drames intimes qui s’y nouent autour du trône maudit.  

Les Anneaux de Pouvoir, eux, déçoivent : beaucoup plus longs, beaucoup plus kitsch, et malheureusement, beaucoup plus cons ! Si au départ, la série s’attache elle aussi à créer des enjeux (une héroïne rebelle, un couple interracial, une amitié en péril…), elle le fait d’une manière si conventionnelle, si grossière, si clichetoneuse, que le jeu est de terminer les dialogues à la place des acteurs… Seul point positif : quelques moments fugaces rappellent la magie spécifique de cet univers (l’Aube, l’Automne, la Lumière…).

Pour le reste, c’est d’un intense mauvais goût. Là où Game of Thrones a toujours su plonger son inspiration dans les racines réelles du Moyen Age (décors et formidables acteurs européens*), Rings of Power s’inscrit elle dans cette odieuse esthétique US, à coup d’elfes manucurés Avlon et d’hobbits zadistes. Dommage…

*dont la performance hallucinante de Paddy Considine, jamais vu à ce niveau…  




jeudi 20 octobre 2022


Vive la crise !
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... ]

En 1984, une émission d’Antenne2 fit grand bruit. Yves Montand, l’homme de gauche entre tous, aidait le pouvoir socialiste à faire passer la pilule du tournant de la rigueur, en animant une émission pédagogique sur le sujet. On reprend le titre, et l’intention, car il y a en ce moment une crise du cinéma français.

La semaine dernière, une table ronde organisée par France Inter opposait Nicole Garcia, réalisatrice, Jérôme Seydoux, tout-puissant président de Pathé, et Nathanaël Karmitz, président de Mk2. Chacun était dans son rôle : Garcia défenseure de la liberté fondamentale de la création, Seydoux promoteur d’un marketing « Avengers à la française » et Karmitz en avocat bayroutiste du En Même Temps.

De toute part – de Variety à Hollywood Reporter -, on demande l’avis du Professore. Etonnamment, le Ludovico se sent bien en peine de répondre, alors qu’il a beaucoup quelques idées sur l’utilisation des batteries de 155 CAESAR sur le saillant de Kherson.  

Mais voilà : crise il y a. Pour une fois, la réponse n’est pas évidente, entre la tentation américaine du tentpole, film événement qui tient le cirque du studio pour l’année (Batman, Jurassic World, Top Gun : Maverick…) et la posture habituelle de l’artiste mendiant des subsides à  l’État.

Jérôme Seydoux est évidemment dans le sillage Hollywoodien : événementialisons le cinéma, vendons des places plus chères, en offrant plus : des films spectacles, des innovations (3D, 4D, 5D, Odorama…), de la restauration, des services, etc. Malheureusement, rien n’est moins sûr dans cette industrie que de réussir un film événement. Buzz L’Eclair, basé sur une franchise en béton, vient d’en faire la démonstration…  Proposer un cinéma-évènement, ça veut dire aussi événementialiser les sorties ciné, et donc, quelque part, y aller moins, surtout si c’est plus cher. Le cinéma reste le seul loisir fédérateur des classes populaires, loin devant le foot, les concerts, etc. Les ados peuvent y aller et manger le McDo de rigueur, les retraités se faire leur toile une fois par semaine, etc. Pas sûr qu’un cinéma à 25 euros soit la solution…

De l’autre côté, la tentation d’un art mieux soutenu par l’Etat est une plaisanterie. Le cinéma français est déjà sous totale perfusion étatique, en se finançant sur les taxes du cinéma US. Il est normal que des films mauvais (français ou pas) ne marchent pas ! Aider encore plus les films, quelle que soit leur qualité, c’est vider bêtement le panier, déjà percé, de la culture. Que faire alors ?

Le cinéma, en réalité, a déjà connu des crises : le Krach de 29, d’abord, qui avait vidé les salles de son public populaire, aux Etats-Unis puis en France. La télé, dans les années 50, qui avait volé les thèmes basiques (love story, famille, enfants, …) et obligé Hollywood à réagir avec un cinéma à grand spectacle (Western, Peplum). Dans les années 80, la VHS, puis le DVD, avaient d’abord été une menace pour devenir une opportunité. Puis la TV par câble, HBO et les autres dans les années 90, avaient  remplacé la niaiserie des family values des grands réseaux (ABC, NBC, CBS) et permis à un public adulte de voir revenir les thèmes sérieux et matures sous formes de series ambitieuses (Oz, les Sopranos, Sex and the City…)

Les plateformes de streaming sont désormais le dernier défi, cumulant les avantages de précédents : un coût faible, un catalogue illimité, des séries pour tous les goûts, de l’enfant à l’adulte. Et surtout, le choix à portée d’un simple clic.

Pourtant, il n’y a pas de doute que le cinéma survive à cette nouvelle épreuve. Il reste le loisir populaire entre tous, et rien que pour cela, le cinéma continuera d’exister. Mais il doit forcément se réinventer.

Vive la crise !




mardi 4 octobre 2022


Athena
posté par Professor Ludovico dans [ Les films -Les gens -Pour en finir avec ... ]

Science sans conscience n’est que ruine de l’âme. Il en va de même pour le cinéma. Athena, de Romain Gavras, fait partie de ces films-là. Le cinéaste s’y enivre de sa propre virtuosité, sans réaliser que son œuvre a oublié son âme au passage.   

Au début, le film semble très clair : après la mort d’Idir – un jeune maghrébin tué, paraît-il, par des policiers –, ses trois frères réagissent différemment alors que la colère gronde dans la cité Athena. Abdel, militaire de carrière, tente de ramener le calme, alors que Karim, son cadet, dirige la révolte. Le troisième, Mokhtar, est un gangster et espère tirer les marrons du feu.

Le propos, lui aussi, est limpide : la misère des banlieues additionné au complotisme d’extrême droite mène tout droit à la guerre civile. C’est très clairement dit, on ne peut le nier*. Mais plus le film se développe – via des plans séquences étourdissants, comme on en a sincèrement jamais vus au cinéma -, plus Romain Gavras oublie l’essentiel, c’est à dire l’image qu’il renvoie de la banlieue : des jeunes sauvageons, à qui seul la colère anti-flic est accessible. Des familles apeurées, qui fuient leur propre cité sans réagir. Des CRS qui n’ont d’autre solution que mener l’assaut, façon siège médiéval.

Si le film était fun (on pense souvent à un film de zombies), tout cela serait très excitant. Mais Athena se veut un film politique sérieux. Sa description « réaliste » de la banlieue produit l’effet inverse : on est terrifiés par les « héros » d’Athena, et on ne souhaite, comme l’extrême droite, que leur éradication pure et simple. Ce qu’accomplit le film, dans l’explosion finale de l’immeuble.**

Filmer cela sans y réfléchir, c’est grave. Et pour une fois le Professore Ludovico est d’accord avec la critique de la Sainte Trinité, unanime :

« Ce tour de force technique, si impressionnant dans la forme, se révèle particulièrement embarrassant sur le fond »
Télérama

« Romain Gavras assomme le spectateur avec une désinvolture politique qui force l’irrespect »
Libération

« Faux brûlot d’un vrai fétichiste de violences urbaines » 
Les Inrocks

« Déluge de violence stylisée, personnages inexistants », « Romain Gavras assomme le spectateur avec une désinvolture politique qui force l’irrespect »
Libération

Sans parler de l’avis – définitif – du Professorino : « Romain Gavras n’arrive pas à se résoudre à l’idée qu’il n’est qu’un blanc privilégié et petit-bourgeois. »

C’est bien le problème d’Athena.

* Dans le making of disponible sur YouTube, le cinéaste parle de la Cité d’Athènes, de la poésie, de la violence, etc. Ce n’est pas interdit, d’autres l’ont fait. Apocalypse Now, La Ligne Rouge se sont aussi enivrés eux aussi de la beauté de la guerre. Mais ces films n’oublient jamais leur but.

** Par un ancien islamiste revenu de Syrie : cherry on the cake  




mercredi 28 septembre 2022


Rings of Power: Apocalypse Now
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... -Séries TV ]

Parfois les scénaristes, les cinéastes, aiment glisser de petites allusions à leur propre panthéon cinématographique. Ça peut être lourdingue : les citations d’Apocalypse Now dans le Dune de Villeneuve (le Baron essuyant son crâne luisant de sueur comme Marlon Brando), ou plus fin : citer le même film dans Lord of the Rings: Rings of Power, épisode 4*, quand Adar demande à son prisonnier Elfe où il est né :

Where were you born, soldier ? By the mouth of the river? I went down that river once, when I was young… I remember the banks were covered in sage blossoms…

A comparer avec la scène ou Willard, lui aussi prisonnier répond aux questions du Colonel Kurtz :

Where are you from, Willard?
– I’m from Ohio, sir.
Were you born there?
– Yes, sir.
– Whereabouts?
– Toledo, sir.
– How far are you from the river?

– The Ohio River, sir? About 200 miles.
– I went down that river once when I was a kid. There’s a place in that river – I can’t remember – must have been a gardenia plantation at one time. It’s all wild and overgrown now, but about five miles, you’d think that heaven just fell on the earth in the form of gardenias.

* Scénario de Stephany Folsom, John D. Payne, Patrick McKay




lundi 26 septembre 2022


Moonage Daydream
posté par Professor Ludovico dans [ Les films -Les gens ]

Dans une œuvre d’art, on dit souvent que la sincérité est cruciale. C’est la question qui s’est posée à propos de David Bowie, tout au long de son immense carrière. Était-il vraiment bisexuel ? Vraiment mod ? Vraiment soul ? Vraiment punk bruitiste ? Était-il soudain devenu fasciste ? Ou hétérosexuel ?

Pour Moonage Daydream, la question ne se pose pas. L’amour du réalisateur pour Bowie transpire à chaque seconde. Un film qui aime son sujet (David Bowie, sa vie son œuvre) tout en étant capable d’en montrer les errances et les défauts.

La performance de Brett Morgen* est immense. Un déluge d’images, mais une seule voix, celle de Bowie. Pas de commentaire, ou de collègues venant saluer l’idole défunte (Jagger, Reznor, au hasard). Moonage Daydream reconstitue l’un des puzzles culturels les plus intrigants du XXe siècle : David Bowie.

Morgen a eu accès aux immenses archives du bonhomme, qui, fait exceptionnel, a TOUT gardé : costumes, sculptures, tableaux, vidéo clips, interviews, films… Tout y est.

Le génie du Rêve Eveillé de l’Age Lunaire n’est pas là, mais dans le soin extrême porté à l’ordonnancement de ces archives. Le montage crée des rebonds, des synergies, des associations d’idée. Un procédé de cut-up totalement bowiesque qui convient parfaitement à cette geste synesthésique.  

Ce n’est donc pas un documentaire auquel nous avons affaire, mais bien une œuvre d’art. Une œuvre d’art signée Brett Morgen, dont le thème serait David Bowie…

* déjà réalisateur du très bon Crossfire Hurricane sur les Stones et producteur du cultissime (en tout cas à CineFast) Kid Stays in the Picture




dimanche 25 septembre 2022


Les Infiltrés
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

Les grands films sont immortels, ils se réveillent comme des vampires à chaque visionnage et révèlent de nouvelles finesses*, comme les couches infinies d’un oignon… Et les grands films sont sur CineFast, évidemment… Mais non, Les Infiltrés n’y sont pas ! Pourtant il repasse sur OCS et à chaque fois, on reste jusqu’à la fin, et pas seulement pour son final incroyable.

Une seule explication à cette absence : les doutes, à l’époque, de Ludo Fulci ou du Framekeeper, qui, sous prétexte qu’il m’avait offert Internal Affairs, prétendait que l’original était beaucoup mieux. Un film hongkongais beaucoup mieux qu’un film de Martin Scorsese ? Ça frise la trahison. L’affaire fut réglée autour d’un alcool de marrons ramené directement de Corse, canal historique.

La force du film de Scorsese, et la force de tous ses grands films (Taxi Driver, Les Affranchis, Le Temps de l’Innocence, Casino, Le Loup de Wall Street…), c’est de mettre toute sa maestria cinématographique au service de la narration, et uniquement de la narration. Ses films « ratés » (A Tombeau Ouvert, Les Nerfs A Vif, Gangs Of New York, Hugo Cabret) sont au contraire des films où la maestria dépasse la simple efficacité et se met au service d’autre chose, à savoir l’hubris de Martin Scorsese, l’Artiste, le metteur en scène le plus virtuose de sa génération.

Mais cette fois ci, l’italo-américain est bien corseté dans un scénario en béton signé William Monahan**. Il est loin de ses bases, à 350 km de Little Italy ; dans le camp d’en face, à vrai dire : Boston, les Irlandais, la cornemuse. Pas de de Niro, de Joe Pesci, de Lorraine Bracco à l’horizon… Non, en face de DiCaprio, le loner infiltré au bord de la crise de nerfs, un casting 100% Massachussetts ou presque : Matt Damon en gendre idéal, mais parfait traître impuissant. Mark Wahlberg en flic survolté qui n’a jamais appris les virgules en CE1 (et les a remplacé par fuck). Martin Sheen en vieux chef sage et modérateur, Alec Baldwin en grande gueule FBI. Et évidemment Jack Nicholson en mafieux cocaïné…

Le casting, c’est avec le montage, le grand art du cinéma. Combien de films ratés par des erreurs de casting ? Mais dans les Infiltrés, tout est parfait, jusque dans les défauts. Vera Farmiga ne joue pas très bien ? Elle incarne parfaitement cette fragilité naïve et tragique, qui mènera les personnages à leur perte. Nicholson en fait trop ? C’est le personnage qui en fait trop, croyant que tout est possible quand on a la plus grosse paire de couilles du monde…

Le duel principal, Costigan/Sullivan, lui, est parfait.  DiCaprio, le nouveau Nicholson, apporte son intensité, sa violence, non pas à l’extérieur, mais vers l’intérieur du personnage. Costigan est terrorisé, ce n’est pas du tout un héros, même quand il prend le dessus. Matt Damon, qu’on a longtemps sous-estimé comme acteur – parce que c’est un anti DiCaprio – est son parfait contrepoint. Il a l’air terne, mais lui aussi est terrorisé, et essaie au contraire de jouer le mec viril.

La grande réussite des Infiltrés est là : prendre fait et cause pour DiCaprio, mais nous faire aussi trembler pour Damon. La mise en scène crée perpétuellement cette tension. Cela devrait être lassant, c’est passionnant pendant deux heures trente.

*Par exemple, l’homosexualité latente de Matt Damon est amené tout au long du film : son impuissance quand il fait l’amour à Madolyn, sa gêne dans le cinéma porno et l’allusion finale de Dignam « Tu me suceras la bite » : comme par hasard, Dignam est le seul qui n’est pas dupe de Sullivan  

** Kingdom of Heaven, Mensonges d’État, Oblivion, Sin City : J’ai tué pour elle




dimanche 18 septembre 2022


Rashomon
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Brèves de bobines -Les films ]

On pourrait expliquer les raisons passionnantes qui nous ont poussé à regarder America Latina plutôt que Rashomon, mais le lendemain, le travail est toujours là, et il y a une chronique à faire.

Nous voilà donc au MK2 Odéon devant le chef-d’œuvre d’Akira Kurosawa : Rashomon, le film qui a créé le concept de narration à plusieurs points de vue. Aujourd’hui, le chef-d’œuvre est tout de même lourd à digérer. Si l’on sait – et que l’on accepte – les contraintes du cinéma japonais (les hommes hurlent, les filles gémissent), le rythme de Rashomon reste dur à avaler.

Chaque scène est très longue, sachant qu’on raconte trois versions de la même histoire. Le brigand commence : il a bien désiré la femme de ce seigneur, les a suivis, l’a ligoté et violé sa femme. Et voilà la version de la femme, différente, et celui du mort (c’est le fantôme qui raconte). A la fin, le film aura démontré que la vérité réside dans l’œil de celui qui regarde. CQFD.

Auquel s’ajoute une morale sur l’horreur du monde, et la difficulté d’y vivre, joliment métaphorisé par le bébé abandonné et la pluie, qui maintenant cesse de tomber.

Il est temps d’aller de l’avant.