vendredi 16 septembre 2022


Delphine Horvilleur
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... -Les gens ]

« Dans nos obsessions identitaires, beaucoup de gens pensent qu’on est ce que notre naissance a fait de nous. Je suggère, dans ce texte, qu’on est bien souvent aussi les enfants des livres qu’on a lus, des histoires nous a racontés. »

Ce matin, sur France Inter. Delphine Horvilleur* est la bienvenue au Conseil d’Administration de CineFast.

* « Je suis juive, rabbin, mais aussi parisienne, mère de famille, et je ne fais pas de sport. Pourquoi voulez-vous m’enfermer dans une identité ? »




vendredi 16 septembre 2022


Nope
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Il faut toujours rester à la fin pour regarder les génériques. Au-delà de la petite blague finale, le générique de Nope est graphiquement très intéressant. Il commence par un texte blanc sur fond jaune ; imperceptiblement il fonce tout doucement vers l’orange, puis le rouge, jusqu’au noir. Fade to Black. Aucun sens particulier à ce générique, si ce n’est y voir la métaphore de Nope, le film qui passe par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel du genre, pour finir par la tragédie. Et nous éblouir.

Car il y a tout dans Nope. Le film commence lentement, comme une belle histoire de dresseur de chevaux western, tourne au drame, puis au film d’horreur, s’apexe dans le film d’action (façon Steven Spielberg), pour terminer en tragédie. Rares sont les cinéastes capables de faire cela. James Cameron a réussi (une fois) avec Titanic. L’empilement de ces différents genres pourrait tourner au pudding indigeste ; au contraire, ici, chacun s’insère parfaitement dans le précédent, comme une poupée russe.

Après les Frankensteins fascistes de Get Out, les doppelgängers revanchards d’US, on est une fois de plus fasciné par Jordan Peele, capable d’un cinéma qui déborde d’idées, tout en restant capable de les ordonner parfaitement.

Nope n’est pas en reste. Il y a une idée par plan, sans compter les idées visuelles. Trois films, trois réussites, des motifs récurrents : Jordan Peele est en train de constituer ce qu’on pourrait tout simplement appeler une œuvre.




jeudi 15 septembre 2022


God save The Crown
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... -Les gens -Pour en finir avec ... -Séries TV ]

Il se passe en ce moment quelque chose de très étonnant. Une très vieille dame, très honorable au demeurant, vient de mourir. Les hommages affluent, ce qui est normal. Ce qui l’est moins, c’est la béatification. Elisabeth aurait paraît-il sauvé l’Empire Britannique, unifié son peuple, renforcé le Commonwealth, etc.

Un simple coup d’œil à votre journal favori suffira à vous indiquer le contraire. Brexit, enfoncement de l’Angleterre dans une insularité dangereuse, Commonwealth qui part en morceaux, sans parler des dominions (Ecosse, Irlande du Nord) qui veulent la quitter. Et que dire de sa famille, du divorce de la Princesse Anne, à la couleur supposée du bébé du Prince Harry, en passant par Andrew/Epstein ou Diana Spencer, qui fournit depuis soixante-dix ans un feuilleton à rebondissements.

C’est justement le point qui permet à ce fait divers de se retrouver dans CineFast. Ce que vend la monarchie britannique (comme d’ailleurs la plupart des monarchies occidentales), c’est un feuilleton. Les Sex Pistols l’avaient compris : « notre figure de proue n’est pas ce que l’on croit* ». La reine, la royauté sont des produits touristiques qui font affluer les touristes par millions, en particulier ceux qui se sont débarrassés le plus violemment de l’aristocratie. La Monarchie Britannique est un musée, une exposition à ciel ouvert sur notre passé, tout comme Versailles, ou Chambord. Nous oublions, l’espace d’un instant, que dans ce monde-là, nous étions dans les champs, et pas en train de lire CineFast.  

Quand le Professore Ludovico tient ce discours oralement, il est symptomatique de constater que la plupart du temps, on lui cite The Crown. « En voyant la série, j’ai compris ce qu’avait vécu cette femme, ce qu’elle avait fait ! » Une fiction, voilà notre référence historique. Et c’est normal, on voit toujours plus de films qu’on ne lit de livres d’histoire. Pour ma part, j’ai adoré The Crown parce que ses créateurs avaient créé de formidables personnages. Aucune vérité historique là-dedans, même si Peter « Based on a True Story » Morgan prétend contraire. Si l’Angleterre a remonté la pente d’après-guerre, c’est qu’elle avait un gouvernement, une administration, un peuple. Si le Commonwealth a perduré, c’est parce que ces pays y voyaient un intérêt, pas parce que la reine saluait de sa petite main gantée le peuple australien. Si le peuple est uni, c’est parce qu’il croit que Britannia will rule again. S’il ne l’est pas, c’est qu’il n’y croit plus.

À titre de comparaison, Anne Hidalgo ou Valérie Pécresse ont plus fait pour l’humanité qu’Elisabeth. Qui n’a jamais rien fait, rien dit, tout simplement parce que c’était son rôle.

*God save the queen
The fascist regime
They made you a moron
A potential H bomb

God save the queen
She’s not a human being
And There’s no future
And England’s dreaming

Don’t be told what you want
Don’t be told what you need
There’s no future
No future
No future for you

God save the queen
We mean it man
We love our queen
God saves

God save the queen
‘Cause tourists are money
And our figurehead
Is not what she seems

Oh God save history
God save your mad parade
h Lord God have mercy
All crimes are paid

Oh when there’s no future
How can there be sin
We’re the flowers
In the dustbin

We’re the poison
In your human machine
We’re the future
Your future

God save the queen
We mean it man
We love our queen
God saves
God saves the queen




vendredi 9 septembre 2022


Tout le Monde Aime Jeanne
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Ce film, on va le voir pour Blanche Gardin et c’est toujours une erreur. Un film ne peut jamais être sauvé par son seul comédien, il faut une bonne histoire, un scénario. Et évidemment, on est déçu, car ce n’est pas une Blanchegardinerie, un pamphlet contre les dérives du temps, comme La Meilleure Version de Moi-Même. Ce n’est pas non plus la terrifiante Blanche de ses stand-ups, même si le début peut le laisser accroire, en Jeanne Mayer quadra lessivée, seule et couverte de dettes, sans parents ni compagnon.

Sa seule échappatoire financière : vendre l’appartement familial à Lisbonne. Sur le chemin elle rencontre Jean (Laurent Lafitte), ex-collégien de son enfance lisboète. Un peu lourd, un peu foufou, Jean lui colle aux basques. Sur place, Jeanne retrouve un ex, son frère, et bientôt le fantôme de sa mère (Marthe Keller) qui flotte sur ce vidage d’appartement. Sans oublier sa conscience, qui, tels les anges et les diables sur l’épaule de Tintin, joue les Jiminy Cricket*

Deuil, souvenirs d’enfance, coup d’un soir ou amour de toujours, le film dessine différentes pistes. Mais voilà, la petite musique gagne en profondeur, la conscience de Jeanne se fait plus discrète et on se surprend à monter dans ce petit train. Il est rare en effet de voir un film qui s’améliore de minute en minute. Le film est longuet au début, et semble de plus en plus court, de plus en plus musclé. Laffitte déroule une des extraordinaires performances, à mi-chemin entre la loufoquerie et la folie, mais tout en retenue. Tout le Monde Aime Jeanne devient alors plus profond, plus subtil, plus léger, jusqu’à son superbe dénouement.

On était allé voir Blanche, on a découvert Céline…

* C’est d’ailleurs la partie la moins réussie du film : Celine Devaux vient de l’animation et a voulu absolument écrire, dessiner, et interpréter elle-même cette conscience. Ce n’est pas toujours ni bien écrit ni bien joué.




mardi 6 septembre 2022


OVNI(s)
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]

« Tout ce qui monte redescend », comme disait Shakespeare dans Pif Gadget, en tout cas dans une BD qui s’appelait Les Aristocrates.

OVNI(s) première saison jetait un coup de fraîcheur dans la production hexagonale. Fin des années 70, un ingénieur gaffeur du CNES est recasé au GEPAN, et finit par prendre à cœur la mission de traquer les petits hommes verts. Mais la deuxième et dernière saison est affublée des qualités et des défauts habituels de la fiction française. Côté qualité, une direction artistique irréprochable, (costumes, décor, musique…), un casting aux petits oignons*, et un très beau générique.

Qu’est-ce qui pêche ? Comme d’habitude ce qui coûte le moins cher, le scénario. Des dialogues indigents, ultra explicatifs, et des intrigues loufoques aussitôt amenées, aussitôt oubliées. On voit bien les scénaristes s’autocongratuler devant l’audace : « Pour cette deuxième saison, on pourrait faire apparaitre une gigantesque barbe-à-papa dans une centrale nucléaire ? ; Génial ! ça ferait des dialogues bien barrés, du style : « Eh, Didier, ce n’est pas moi qui aie volé la barbe à papa pour la redonner au shaman inuit ! » A ce stade, on voit qu’on a perdu Alice Taglioni…

OVNI(s) se contente en fait de sa loufoquerie, de son idée géniale et de la nostalgie 1975-1980. Le GEPAN, Temps X, Jean-Claude Bourret, Coup de Tête et Jean-Michel Jarre, Steven Spielberg et Rencontres du 3e type, Village People et Michel Sardou…

Tout ça ne fait pas une série. Dommage, c’était faisable.

*Melvil Poupaud, Michel Vuillermoz, Géraldine Pailhas, Quentin Dolmaire, Daphné Patakia…




mardi 6 septembre 2022


Les Magnétiques sont sur Canal+
posté par Professor Ludovico dans [ Brèves de bobines -Les films ]

Le meilleur film français de l’année dernière est disponible sur Canal, qu’est-ce que vous attendez ? Le parcours de deux frères au début des années 80, entre Service Militaire et radio libre, mais une seule fille…

Comédie française, puis tragédie grecque, avec comme musique de fond le meilleur du post-punk… Il ne passera jamais sur TF1, dépêchez-vous…




dimanche 4 septembre 2022


Key Largo
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Brèves de bobines -Les films ]

Dès les premières minutes de Key Largo, on sait qu’on est dans la production hollywoodienne, qualité Triple A. Noir et blanc marmoréen, couple mythique Bogart/Bacall, John Huston et la Warner. La Warner, peut-être le seul studio hollywoodien qui ait tenu une forme de ligne éditoriale tout au long de sa longue existence (99 ans au compteur) : des films méchants, mauvais esprit, immoraux, de William Wellman aux sœurs Wachowski en passant par Kubrick…

Key Largo, c’est la ville au début des Keys, cet archipel magnifique au sud de la Floride relié malheureusement par une horrible highway lardée de supermarchés. Il faut chercher la beauté derrière l’anarchie immobilière, ou revoir Bloodline. Mais là, on est en 1948, les Keys sont encore sauvages, et c’est l’hiver, l’ouragan gronde. Bogart débarque dans un hôtel ; il est venu dire au propriétaire quel héros son fils était pendant la guerre. Mais traine dans l’hôtel une bande patibulaire, en fait le gang d’un mafieux revenu en Floride, le terrible Johnny Rocco (Edward G. Robinson) qui va rapidement prendre tout le monde en otage.

Première audace, le bad guy n’apparait qu’au bout d’une demi-heure. Ce qui laisse le huis clos s’installer, les personnages (ambigus) se découvrir, et la tension monter jusqu’à l’explosion finale. En 1h40, Huston extrait l’essence même du film noir : des conflits moraux (qu’est-ce que le courage ?), le désespoir moral de l’après-guerre qui voit les profiteurs revenir sur le devant de la scène, et bien sûr, l’amour impossible. Voir Bacall qui regarde Bogart (ils sont en couple depuis quatre ans) suffit à donner des frissons dans le dos…




vendredi 26 août 2022


America Latina
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Les cinéphiles sont des gens bizarres. On décide d’aller voir Rashōmon, le chef d’œuvre d’Akira Kurosawa pour enfin savoir ce qu’est un film-aux-multiples-points-de-vue-et-narrateurs-peu-fiables, et on finit au Reflet Médicis pour voir America Latina, un néo-Giallo.

Pourquoi ? Après de multiples atermoiements (faut-il préférer la séance de 19h10 plutôt que celle de 20 heures ? Ou au contraire voir le jap aujourd’hui et le rital demain ?) Manger un bout avant ? ou après ? Questions fondamentales de la cinéphilie…

Bref, nous voilà dans le noir à regarder un film uniquement recommandé par un pitch. Un pitch très excitant, en vérité :  un chirurgien-dentiste à qui la vie sourit (épouse aimante, ados charmantes, très belle villa avec piscine et chiens) descend à la cave chercher du vin. Il y découvre, stupéfait, une adolescente bâillonnée. Qui est cette jeune fille ? Comment s’est-elle retrouvée là ? Mais surtout… pourquoi ne la libère-t-il pas ?

Pendant 90mn, les frères D’Innocenzo déroulent ce questionnement étrange et absurde, qui fait penser à la meilleure littérature fantastique, d’Edgar Allan Poe à Barbey d’Aurevilly. Mais en utilisant toutes les ressources du cinéma : images léchées et sanguines, champs/contrechamps bizarres (profil contre profil, contrairement aux face-à-face habituels), plans très rapprochés claustrophobiques, et bande-son extrêmement travaillée, aux sons anormalement amplifiés. Si la cadre est luxueux, l’ambiance est délétère.

On reprochera simplement à America Latina un final hyper explicatif dont on aurait pu se passer, car on avait déjà compris.

Que ça ne vous empêche pas d’aller voir ce petit diamant noir…




jeudi 25 août 2022


RIP Leon Vitali
posté par Professor Ludovico dans [ Les gens ]

Comme le faisait remarquer l’ami Fulci, sourire carnassier aux lèvres as always, « CineFast en ce moment, c’est l’actualité RIP-ils-nous-ont-quitté-cette-semaine, non ? ».

Certes, cher Ludo, mais l’actu c’est l’actu ! Et pas de chance, cette semaine, Leon Vitali n’est plus. Son histoire est intéressante à plus d’un titre, pour les fans de Kubrick comme pour ceux qui s’intéressent – un tant soit peu – au cinéma. Dans les années 70, Vitali est un jeune comédien de télévision. Repéré par Kubrick, celui-ci lui confie le rôle complexe de Lord Bullingdon, le fils d’un précédent mariage de Lady Lyndon, et Némésis de Barry Lyndon.

Leon Vitali n’aurait pu être qu’un des jeunes acteurs consommés par Kubrick, destiné à être jeté à la poubelle dès qu’un nouveau projet verrait le jour. Sue Lyon, Malcolm McDowell, Mathew Modine en ont fait l’amère expérience. Au contraire, Kubrick lui proposa de devenir son assistant sur Shining. Il le restera jusqu’à sa mort, chargé du casting de Full Metal Jacket et d’Eyes Wide Shut, et y interprètera même l’Homme à la Cape Rouge, l’ordonnateur de soirées très privées…

C’était cela le système Kubrick, un réseau très resserré, très familial, de collaborateurs (sa femme, sa fille, son beau-frère Jan Harlan… ) qui avaient son entière confiance. Vitali participa ainsi à la dernière partie – et pas la moindre – de l’œuvre du Maître.

Mais comme il est dit la fin de Barry Lyndon, « C’est sous le règne du roi George III que vivaient et se disputaient ces personnages ; bons ou mauvais, beaux ou laids, riches ou pauvres, ils sont tous égaux maintenant… »




mercredi 24 août 2022


Wolfgang Petersen
posté par Professor Ludovico dans [ Les gens -Pour en finir avec ... ]

C’est la tragédie classique d’Hollywood, qui – telle Kali – dévore les petits enfants. C’est l’histoire d’un cinéaste qui réussit brillamment dans son pays : L’Échiquier de la Passion (un beau téléfilm sur les échecs avec Bruno Ganz) et bien sûr, son chef d’œuvre, Das Boot, (Le Bateau, aka le plus grand film de sous-marin jamais réalisé*) ou L’Histoire sans Fin (joli conte pour enfants capable de tirer une larme aux adultes…)

Et puis là, c’est le drame, Wolfgang Petersen fonce à Hollywood et réalise des nanars : Enemy, Troubles, Alerte !, Poséidon… C’est le triste destin de nombreux artistes étrangers, mangés par l’Usine à Rêves, et recrachés comme ouvriers consciencieux et disciplinés. Si quelques fortes têtes ont réussi (Billy Wilder, Fritz Lang, Paul Verhoeven, Michel Gondry…), d’autres sont devenus de simples techniciens (Renny Harlin, Mathieu Kassovitz, …) ou finirent broyés par Hollywood (Erich von Stroheim)

Dans le cas Petersen, surnagent néanmoins une GCA (Air Force One), un bon thriller (Dans la Ligne de Mire) et un péplum honorable (qui vaut surtout grâce à Brad Pitt, Troie). C’est peu et c’est beaucoup, car rien que pour Das Boot, Wolfgang Petersen est la preuve que Dieu existe.

*et le Professore Ludovico en connait un rayon…