lundi 10 février 2025


Twickenham, le retour du refoulé
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... ]

Ce week-end, la France du rugby s’est ridiculisée à Twickenham. Ce n’est pas la première fois, ni la dernière… Twickenham, c’est la chapelle du Rugby, les Anglais ont inventé ce sport, et ils le font savoir à chaque fois que c’est possible. C’est l’antre de la Bête, que chacun rêve de terrasser.

Mais samedi, les bookmakers anglais avait prédit une défaite du XV de la Rose. Ces petits anglais en pleine reconstruction n’avaient brillé qu’une mi-temps en Irlande. Et c’est peut-être la meilleure équipe de France qu’ils allaient affronter, depuis de très très nombreuses années. Avec un génie du jeu, Antoine Dupont, mais aussi des génies dans la plupart des postes. La France devait gagner ce match, même face à une Angleterre qui a beaucoup à prouver.

Mais voilà, accumuler inexplicablement les fautes de mains, et laisser – de façon totalement inadmissible – les Anglais relever la tête dans la dernière ligne droite, leur a autorisé une courte victoire d’un point.

Quel rapport avec CineFast ? Il n’y en a pas. Le Professore Ludovico, qui tient également une Chaire de Psychanalyse à l’Università Cesare Borgia de Florence, y voit autre chose : le retour du refoulé.

La Fédération Française de Rugby avait pourtant très bien géré les affaires Jegou/Auradou (présomption de viol), immédiatement mis au rencard en attendant que justice soit faite. Les deux jeunes joueurs étant innocentés par la justice argentine, ils pouvaient potentiellement réintégrer l’Equipe de France.

En termes d’efficacité, probablement oui. En terme moraux, absolument pas ! Comme à l’école, quelques mois au coin n’auraient pas fait de mal.

C’était compter sans Fabien Galthié, qui se croit depuis trop longtemps sur le toit de monde. Le sélectionneur a réintégré les deux bagnards sans se poser de question.

Le Professore pense, pour sa part, que le reste du XV de France s’est posé ces questions pendant quatre-vingt minutes, sur la verte pelouse de Twickenham.




vendredi 7 février 2025


Les Enfants du Paradis en salle
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... -Les films ]

Oyé Oyé, peuple parisien de CineFast : Les Enfants du Paradis, l’un des plus grands films de l’histoire du cinéma est disponible en salle, et c’est une rareté…

Ce qui est rare est cher. Donc précipitez-vous dans le cinquième arrondissement, éternel refuge de la cinéphilie, pour suivre les aventures de Garance sur le Boulevard du Crime, car « Paris est tout petit, pour ceux qui s’aiment comme nous d’un aussi grand amour. »

Filmothèque du Quartier Latin,
9, rue Champollion

mais aussi à Asnières-sur-Seine, à L’Alcazar
1, rue de la Station




mardi 4 février 2025


Un Parfait Inconnu
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

C’était le projet casse-gueule de l’année, un biopic sur Bob Dylan. L’oxymore totale pour le Ludovico : associer The Last American Poet Robert Zimmermann et notre Chouchou Chalamet au tâcheron James Mangold. Rappelons à toutes fins utiles, pour éduquer les foules (et au passage le Professorino, jeune dylanien en devenir), que Mangold n’a fait qu’un bon film dans sa vie : Copland.

Mais voilà, la magie du grand Bob entre en action. Si Dylan 1964 était un sale petit con, Dylan 2025 a plus le sens de l’humour que la plupart de ses collègues de la rock industry et leurs ayants-droits. Il a laissé faire ce film, pas franchement à sa gloire*. On verra donc toutes les saloperies devenues légendaires de la geste dylanienne, mais dont on n’était pas trop sûr qu’elles apparaitraient dans une potentielle hagiographie biopiquienne.

A Complete Unknown, c’est l’anti Parcours du Héros : les mensonges sur la biographie, le marchepied folk, les amours/largages opportunistes, l’ambition musicale, mais surtout l’ambition d’être libre, à tout prix. On croisera donc les personnages de cette grande saga, qui ne dure que quatre ans (1961-1965) mais qui reste la période la plus intéressante de Dylan. Comment un gars de Hibbing, Minnesota, fils d’un marchand d’électroménager, fan de rock’n’roll, a pu se transformer en faux hobo jongleur de cirque, chanteur folk, puis protest singer incendiaire en pleine crise des missiles de Cuba, pour finalement sortir de la chanson à texte et devenir… rien d’autre que lui-même.

Heureusement que Dylan est là. Car James Mangold, le cinéaste, lui, est absent. L’histoire ne sera racontée qu’au travers des chansons**. Aucun cinéma ne sera injecté dans ce film. Quand Pete Seeger, le mentor folk, découvre que l’élève va dépasser le maître, Mangold est incapable de laisser installer ce plan sur les yeux bleus, magnifiques et tristes, d’Edward Norton…*** La caméra devrait rester sur Seeger, sur cette émotion confuse qui le gagne, entre l’arrivée de ce qu’il désire si ardemment – la renaissance du folk – et l’avènement de quelque chose qui va le renverser, comme un tsunami.

A plusieurs reprises, on va ainsi vérifier ainsi que Mangold, n’est pas les frères Coen d’Inside Llewyn Davis. Sur les love stories, de Joan Baez à Suze Rotolo****, Mangold ne sait que faire…

Il faut dire, il est vrai, qu’il suffit de se laisser porter par son comédien-coproducteur, Chalamet, extraordinaire comme à son habitude. A vingt-neuf ans, le Tim a tout : la fragilité, la force, la colère, la douceur. Son interprétation – voix nasillarde et gestes méprisants – dépasse de loin la simple imitation du Bob… Comme une vieille veste de daim sur un portemanteau, le film est entièrement sur les épaules de l’acteur.

C’est le paradoxe A Complete Unknown, un film qu’on a adoré voir.

Et qu’on n’a pas spécialement envie de revoir. 

*Bowie a refusé Velvet Goldmine et Stardust, les Stones avaient refusé… Stoned, et Bohemian Rhapsody a été entièrement validé par ce qui reste de Queen.

**Florilège :
Dylan largue une fille : « Go away from my window…  »
Dylan quitte la scène folk : « It’s all over now baby blue  »
Dylan s’en va : « so long, it’s been good to know you »

***Ce qui vérifie l’adage de Karl Ferenc : il n’y a pas de mauvais film avec Edward Norton, qui réalise peut-être ici sa plus grande performance. Bonne conscience de gauche, un peu benêt et dépassé par les évènements, mais qui tente de mettre tout le monde d’accord dans un monde qui explose.

****Rebaptisée Sylvie Russo à la demande expresse de Dylan, car selon lui « Suze n’avait pas demandé cette vie ». Elle est par ailleurs décédée…




lundi 3 février 2025


Blitz
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

Qu’est-ce qui arrêtera Steve McQueen ? Ce plasticien reconnu a décidé un jour de se mettre au cinéma… quelle drôle d’idée ! Ses premiers films, il est vrai, ressemblaient à des performances : Hunger sur l’IRA et sa peinture d’excréments, Shame sur l’obsession sexuelle, puis son chef-d’œuvre, Twelve Years a Slave, l’adaptation casse-gueule du récit d’époque d’un noir libre devenu esclave… avec à chaque fois l’impressionnant Michael Fassbender.

Puis McQueen bifurque vers un cinéma plus conventionnel, avec Les Veuves, polar façon Heat/The Wire et le voilà maintenant dans le mélo, le plus gentil, le plus mignon, le plus naïf qui soit. Pendant le Blitz londonien de 1940, George, un petit garçon doit partir à la campagne pour être protégé des bombardements allemands, au grand désespoir de sa mère célibataire. Pendant que la mère et le grand-père âgé se débattent dans Londres en ruine, George s’enfuit pour les retrouver.  

Qu’y a-t-il à raconter? Quasiment rien, des choses minuscules : un train, une usine, une maison en ruine, les refuges souterrains… Mais ces miniatures de la Grande Histoire abriteront d’autre sujets, chers à McQueen… Le racisme, la différence, car cet enfant est métis (mais ce n’est pas LE sujet), on découvrira l’origine de ce couple et ce qui lui est arrivé, la résilience anglaise, mais aussi ses bassesses. Tout cela amené avec la légèreté d’une plume d’oie.

Non, rien ne peut arrêter Steve McQueen.




samedi 1 février 2025


Denis Villeneuve le cinéphile
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... -Pour en finir avec ... ]

Nous avons dit beaucoup de mal de Denis Villeneuve récemment, le qualifiant d’Idiot de Cinéma. Et du bien, aussi. En tout cas, nous avions signalé aussi que c’était un frère de cinéphilie. Et voilà que Konbini, dans cette amusante séquence de la vidéothèque, invite le réalisateur des bientôt 3 Dune.

Eh bien oui, c’est un frère. Car voilà un garçon qui aime exactement tout ce que nous aimons : Apocalypse Now, mais pas les versions Redux « On ne devrait jamais refaire un film, parce dès qu’il est fini, il appartient aux spectateurs, et j’aimerais le dire à Coppola », Persona, Blade Runner, 2001, etc.

Bref, le Professore, qui est aussi mathématicien à ses heures, est bien obligé d’arriver à la conclusion suivante.

Si Ludovico = Villeneuve, et que :

Villeneuve = mauvais cinéaste,

alors cela veut dire que Ludovico aurait fait un très mauvais cinéaste.

CQFD.




jeudi 30 janvier 2025


Call Me by Your Name
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

Nous avons découvert Timothée Chalamet il y a 6 ans, dans The King pour être précis, où l’intensité de son jeu indiquait qu’il ferait un excellent Paul Muad’dib : intuition confirmée par la suite. On l’avait aussi entraperçu dans Hostiles, ou dans Interstellar pour ce drôle de petit rôle : un garçon dont le père se foutait complètement, mais qui pleurait à chaudes larmes sur sa fille. Mais ne me lancez pas sur Interstellar

Depuis, on ne cesse de le croiser. Et il ne cesse de nous étonner. Paul Muad’dib, Willy Wonka, The French Dispatch, et bientôt, Bob Dylan, où rien que la bande annonce impressionne. Une carrière qui ressemble déjà à un sans-faute, films indé et grosses productions, sans tomber dans le Marvel qui l’enfermerait à vie. Il se déploie aussi élégamment sur les plateaux de talkshows (Saturday Night Live, Quotidien), jouant le jeu de la promo tout en ne se la jouant pas…

Le Professorino avait conseillé Call Me by Your Name avec cet avertissement mystérieux : « Pas sûr que ça va te plaire, mais faudrait quand même que tu le voies » Il a souvent raison le Professorino, question d’ADN.

A un détour de bronchiolite dominicale, Call Me by Your Name passe sur le Canal+ de Notre Dame de Nazareth. OK. On se laisse gagner par la douce torpeur de l’Italie lombarde des années 80, du corps freluquet de Chalamet et de la statue grecque Armie Hammer (les Jumeaux Winklevoss à lui tout seul)…

Eh bien voilà : le film de Luca Guadagnino est un chef-d’œuvre de finesse. Voilà enfin une histoire d’amour homosexuelle sans pathos, sans sida, sans parents castrateurs, sans désapprobation de la société. Même si toutes ces possibilités sont évoquées, c’est une histoire d’amour banale, comme toutes les histoires d’amour.

Un ado et un jeune adulte se cherchent, se frôlent, se repoussent, avant d’avouer leur désir, sans qu’on y voit des problèmes de consentement.

Certes, Luca Guadagnino prend son temps. Mais ce temps est précieux si l’on veut prendre cette histoire d’amour au sérieux. Ce n’est pas simple d’être amoureux, et ce n’est pas simple d’être homosexuel dans l’Italie des années 80 ; Guadagnino n’esquive pas le problème. Mais il n’en fait pas des tonnes : le contexte est là, et puis c’est tout. Et Chalamet trône au centre de la pièce, même s’il est entouré d’une batterie d’acteurs talentueux (Michael Stuhlbarg, Amira Casar, Esther Garrel, Victoire Du Bois…).

Il est le soleil du film, autour duquel tourne d’autres planètes, dans une perfection cosmique…  




lundi 20 janvier 2025


Sic semper tyrannis
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... ]

« Le plus effroyable des tyrans est celui qui se considère comme un bouffon.
Et que le monde entier n’est qu’une vaste bouffonnerie… »

Richard III




vendredi 17 janvier 2025


David Lynch, la mort du poète
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... -Les gens -Pour en finir avec ... ]

David écarta le rideau de velours rouge et découvrit la pièce, dallée de noir et blanc et nimbée d’une musique douce. Esquissant quelques pas de danse, un nain élégamment vêtu s’approcha, et posa à David La Question :

– Iev at ed tiaf sa ut euq ec tseuq ? 
– J’ai rêvé, répondit David en souriant…
Alors, tu peux entrer.

***

Pourquoi la mort de David Lynch nous rend si triste ? Nous ne le connaissions pas. Il ne faisait pas partie de notre famille, ni de nos amis. Il avait l’air sympathique ; l’était-il vraiment ? On ne sait.

Mais voilà, c’est ça, le cinéma. Un virus, un parasite qui se niche dans notre lobe frontal, et devient une partie de notre âme. Ce n’est pas la disparition de David Lynch qui nous fait de la peine, c’est la perte des cellules Lynchiennes imbriquées dans notre cerveau depuis que nous sommes nés, c’est-à-dire depuis que nous sommes devenus cinéphiles.

Si cette chronique est si dure à écrire, c’est que nous sommes submergés de souvenirs. De la première émotion mélodramatique, à quinze ans, avec Elephant Man, à la passion amoureuse pour les filles de Twin Peaks. De l’effroi à l’apparition de Frank Booth ou Bobby Peru (Blue Velvet/Sailor et Lula), à l’affection pour Alvin Straight, le grand père d’Une Histoire Vraie. Et des rêves, des rêves à foison ; le ciel étoilé d’Elephant Man, le radiateur d’Eraserhead, les feux rouges de Twin Peaks, le ranch de Mulholland Drive, l’oreille coupée de Blue Velvet, le couloir sombre de Lost Highway, la main ensanglantée de Dune

Hubert Reeves se trompait, nous ne sommes pas de la poussière d’étoiles, nous sommes des atomes de David Lynch.

Rares sont les cinéastes qui arrivent à nous émouvoir, nous effrayer, et nous faire rire.

Kubrick est cérébral, Hitchcock, excitant, Spielberg, émouvant. Lynch est tout cela à la fois, car il délaisse l’efficacité de ses collègues au profit de la matérialisation de ses rêves, sans chercher à y réfléchir. C’est l’un des rares authentiques poètes du septième art. Même Dune, son film raté, honni, banni de sa cinématographie officielle, et dont tout le monde s’accorde à dire que c’est un mauvais film, a marqué l’imaginaire de tous ceux qu’ils l’ont vu, et reste un film culte…

Que dire de plus ? Un seul mot.

Silencio.




jeudi 16 janvier 2025


David Lynch
posté par Professor Ludovico dans [ Les gens ]

« On meurt, on passe un bout de temps à rêver, et on revient… »

David Lynch, à propos du cinéma




dimanche 5 janvier 2025


Jugement à Nuremberg
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

Quel étrange film que voilà ! Trois heures pour évoquer le jugement fictif de quatre magistrats nazis*, après les grands procès de 1945 (Göring, Hess, Ribbentrop, etc.) Un film pédagogique, d’une ambiguïté folle.

Pendant ces trois heures, on va au gré des personnages passer d’un sentiment à l’autre. Stanley Kramer nous met dans la position de Spencer Tracy, le vieux grand-père qu’on a nommé Juge, parce qu’on ne sait pas trop quoi en faire. On écoutera comme lui le réquisitoire d’un procureur déchaîné (Richard Widmark), bien décidé à châtier le plus sévèrement possible ces hauts fonctionnaires d’Hitler. Puis on basculera vers le camp adverse, au travers du personnage de Marlene Dietrich, veuve d’un officier allemand. Elle tentera de montrer que tous ses semblables ne sont pas des monstres. Puis par l’avocat, le tout jeune et brillant Maximilian Schell**, qui dénoncera l’hypocrisie de ce procès, alors que d’autres terreurs sont là : Hiroshima et Nagasaki, la ségrégation raciale aux Etats-Unis, le communisme qui s’étend à l’est. Devant l’aveuglement des alliés devant Hitler, n’est-ce pas toute l’humanité qui devrait être jugée ?

En coulisses, des magouilles politiques viennent troubler le procès : le blocus de Berlin fait pencher les autorités américaines vers plus de mansuétude envers les allemands, qui se serviront bientôt de glacis face aux soviétiques.

C’est oublier cet étrange accusé, Burt Lancaster, maquillé en vieil homme. Voilà une star qui n’a pas une ligne de dialogue pendant deux heures. Pourquoi ? C’est le génie de Jugement à Nuremberg : c’est toujours le dernier qui parle qui a raison. Et Ernst Janning (Lancaster) va bientôt parler…

À la fin, le film tirera une conclusion à la fois morale et douce-amère. La Loi, oui. La Justice, peut-être… La vérité, qui sait ?

* fictifs, mais basé sur un procès réel
** qui gagnera l’Oscar pour cette performance