lundi 16 septembre 2024


Emilia Pérez
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

On avait quelques doutes sur le génie Jacques Audiard. Les génies ne sont pas éternels, et Les Olympiades montraient quelques signes d’essoufflement, de vieillissement, chez l’un de nos plus grands cinéastes.

Le sujet d’Emilia Pérez n’était pas fait pour rassurer : un narco mexicain veut devenir une femme pour faire le bien sur la terre : on avait connu chez Audiard sujet plus réaliste.  

Mais bon, nous voilà assis au fond du MK2 Bastille Beaumarchais, pour profiter pleinement, non pas de la photographie sublime de Paul Guilhaume, mais des 55 éclairages d’évacuation, quand Zoe Saldaña se met à chanter. Et à danser.

Et là, tout bascule.

Sur un tel sujet, un film sérieux (comme à l’habitude d’Audiard), aurait été abscons, irréaliste, insupportable de naïveté politique. Mais en comédie musicale, Emilia Pérez passe dans une autre dimension, celle de la fable, du conte moral.

Porté avec une grande fluidité par trois actrices d’exception (Zoe Saldaña, Karla Sofía Gascón et Selena Gomez) le film explose le genre. Pas le genre masculin, mais le genre cinématographique. Le film n’est pas une apologie de la transidentité, mais une métaphore du changement, une histoire de rédemption. Quelqu’un qui décide de changer tout pour devenir enfin, peut-être pas quelqu’un de bien, mais quelqu’un de mieux.

Audiard ne perd pas le réalisme en route ; tout le reste sonne juste : le Mexique, les narcos, le polar. L’intrigue, abracadabrantesque, retombe sur ses pieds dans un final impeccable.

Le génie français est de retour.




mercredi 11 septembre 2024


La Veuve Couderc
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

La mort d’Alain Delon permet de rattraper des films, La Veuve Couderc par exemple. Bon, à vrai dire, le Professore Ludovico a longtemps confondu ce film avec Les Granges Brûlées, et La Horse.

La Veuve Couderc est basé sur un roman de Simenon dont le pitch est simple mais démontre qu’en 1h30 – contrairement à ce qu’on dit partout – on peut créer des personnages et les faire évoluer sans avoir besoin de six heures sur Netflix. Ici, la veuve en question (Signoret) vit chichement dans une ferme au bord d’un canal. Elle rencontre au début du film un beau mec (Alain Delon) qui cherche du travail. Ça tombe bien, elle en a, exploitant désormais seule la ferme de son mari (au grand dam de sa belle-sœur, l’éclusière, dont la fille, lolita déjà fille-mère, complète l’ensemble). Le drame est posé. Une femme vieillissante qui cherche un homme, qui va passer de sa protectrice à la nymphette.  

Comme on l’a dit précédemment, Delon ne joue pas très bien, et est peu crédible en costume de ville binant les champs de pommes de terre. Mais La Signoret est impériale comme à son habitude. Sa seule voix, emplie de tabac, de tristesse, et de colère tout à la fois, les larmes perlant au bord de ces yeux bleu acier suffisent à retourner n’importe quel spectateur.

C’est la Signoret post Casque d’Or que nous avons toujours connue, celles des années 70, de L’Aveu à Police Python 357. Et puis il y a Simenon, cette ambiance campagnarde, l’écluse, les bateaux, le bal, et le drame qui pointe. Et une conclusion/explication étonnante.

Ça suffit à faire film.




mardi 10 septembre 2024


Alien : Romulus
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Il pleuvait sur la vallée. Ridley Scott entra en bougonnant dans la salle de réunion, au dernier étage des 20th Century Studios. Il savait déjà ce que les suits allaient lui dire :

Ridley, faut qu’on change notre fusil d’épaule, on se fait massacrer sur Sens Critique, et l’ayatollah Ludovico dit partout que tu as brûlé ta propre œuvre. On peut pas continuer comme ça…

Très bien, dit l’anglais, posant négligemment les clés de sa Bentley sur le dossier Alien : Romulus. On va leur donner ce qu’ils veulent. MAIS NE COMPTEZ PAS SUR MOI POUR DIRIGER CE FILM !!

– Tu as une idée à nous soumettre ?

– Prenez qui vous voulez, j’en ai rien à branler, mais il a pas intérêt à merder !

Fede Alvarez savait à quoi s’en tenir. Le film n’arrête donc pas de donner des gages au fanboy. Dès la première scène, Alvarez invoque Blade Runner, téléportant l’univers de Scott dans les colonies Weyland-Yutani. Six prolos, exploités par la mégacorpo, ont trouvé un plan pour se tirer de là. Dès qu’ils montent dans le vaisseau, la déco est à l’avenant : ordinateurs seventies, fumées et néon, décors sales et sombres. C’est parfait, et pas seulement parce que l’on respecte l’univers initial. L’important, c’est que les personnages agissent selon de véritables motivations, et non selon les caprices scénaristiques de Ridley « J’ai le melon » Scott (cf. Prometheus et Covenant).

Alien : Romulus est plein de bonnes idées, qui jouent avec le cadre, avec la mythologie Alien. On ne regrette pas sa soirée, comme on dit dans Papy fait de la Résistance. Il est juste dommage que Fede Alvarez se sente (ou soit ?) obligé de payer autant sa dette. La fin est longue, très convenue, copié/collé absolu d’Alien, premier du nom.

Il est facile de considérer que c’est le 2ème meilleur film, devant Aliens (très surcôté parce qu’il a inventé les Space Marines) et Alien3 (très surcôté parce qu’il s’agit d’un Fincher raté, mais d’un Fincher quand même. )

Alien : Romulus est plaisant, et ce n’est pas un massacre : c’est déjà beaucoup.




jeudi 5 septembre 2024


Alain Delon
posté par Professor Ludovico dans [ Les gens -Pour en finir avec ... ]

Alain Delon a disparu pendant l’été. A vrai dire, l’acteur avait disparu depuis longtemps. Les années 80, pour être précis, et pour fixer les choses, Le Choc ou Trois Hommes à Abattre.

Odieux connard mais bon acteur, beauté incandescente mais insupportable réac : comment évaluer sereinement la carrière de Delon ? Un artiste n’a pas besoin d’être quelqu’un de bien pour être d’extraordinaire ; c’est le cas de Chuck Berry, Mick Jagger, Bob Dylan, Stanley Kubrick, Philip K. Dick.

Delon ne peut être réduit à sa personnalité, mais ce n’était pas non plus un acteur gigantesque. Son œuvre est longue, il est tourné avec les plus grands (Visconti, Melville, Antonioni, etc.) Mais quels sont ses grands rôles ? Comme me l’avait un jour expliqué Mademoiselle K., il y a une différence entre acteur et comédien. Un comédien sait tout jouer, un acteur ne joue que lui-même. Par exemple, Delon*. CQFD.

Delon n’était pas De Niro ou Pacino, ni même Gabin, Trintigant ou Depardieu. Il ne pouvait pas tout jouer. On n’imagine pas Delon jouer un cuistot, un soldat traumatisé ou un autiste.

Delon jouait lui-même et le jouait très bien. Sa filmographie parle pour lui, et cela suffit.

* Elle me précisa immédiatement qu’elle était comédienne…




mercredi 4 septembre 2024


Les Pistolets en Plastique
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

Pour on ne sait quelle raison, Les Pistolets en Plastique n’ont pas été chroniqués dans CineFast.

Grave oubli.  

Les Pistolets sont tombés dans le trou noir des chroniques jamais écrites. Ce phénomène étrange a pourtant été étudié depuis longtemps par le Professore Ludovico au Jet Propulsion Laboratory, à Pasadena comme chacun sait. La science démontre en effet qu’un mauvais film excite les particules critiques, et incite le CineFaster à démolir cette merde qui lui a fait perdre deux heures de sa vie. Au contraire, un bon film, a fortiori un film drôle, le laisse dans un tel état d’euphorie qu’il en oublie son devoir premier : informer. Car la mission de CineFast, s’il en est, est de pousser les gens à aller au cinéma pour voir les meilleurs films.  Les Pistolets en Plastique sont de ceux-là. Problème : le film de Jean-Christophe Meurisse est sorti en juin. Vous allez donc le chercher sur votre plate-forme préférée.

Du coup, de quoi s’agit-t-il ? Rien de moins qu’une parodie totalement barrée de l’affaire Dupont de Ligonnès, en particulier sur les détectives amateurs qui cherchent la solution. Jean-Christophe Meurisse aligne avec un talent rare une galerie de personnages tout aussi délirants (mais réalistes) : la voisine raciste, les flics incompétents, les mégères enquêtrices. Tout cela dans une ambiance à la Dupieux, ne reculant devant aucun gag, même les pires…

Mais tout cela est tellement bien fait (acteurs, dialogues, déco) que c’en est particulièrement réjouissant. Cela ne plaira pas à tout le monde – certains spectateurs ont quitté la séance – mais sans aucun doute que le goût sûr du CineFaster y trouvera son compte…




vendredi 2 août 2024


Ripley
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]

Il y a des gens qui croient encore dans le cinéma : Steven Zaillian en fait partie. Adapter Ripley, le livre de Patricia Highsmith, c’est prendre le risque de la comparaison avec un grand film, Plein Soleil, avec Delon et Ronet au sommet de leur forme. Le projet Netflix ne fait pas dans la dentelle, huit heures d’un noir et blanc somptueux, avec des acteurs peu connus (Andrew Scott (Fleabag), Johnny Flynn (Stardust), Dakota Fanning (The Runaways)). Pourtant, c’est une réussite indiscutable.

C’est comme si Steven Zaillian avait décidé d’appliquer le programme d’Alfred Hitchcock dans son intégralité.

1. Tu ne feras pas d’une star un méchant : en castant Andrew Scott, acteur peu connu, gentil prêtre de Fleabag, mais aussi Moriarty de Sherlock, il a trouvé un acteur en apparence gentil, qui engendre dès le départ de l’empathie, mais dont le moindre sourire de psychopathe vous glace le sang

5. Tu créeras des décors qui auront l’air vrais : la reconstitution de l’Italie des années 60, les vêtements, les tickets de train, les journaux, tout sonne juste…

6. Tu ne confondras pas surprise et suspense : Pendant huit heures, Steven Zaillian ménage quelques surprises (d’une rare violence) mais il instaure surtout un suspens continu. Le protagoniste accumule des traces qui viennent contredire ses alibis, et Zaillian les filme consciencieusement : le cendrier, les reçus de trains, les registres d’hôtel, etc. Avec tout ça, il devrait se faire prendre. Mais cela mène à un paradoxe bien connu du cinéma : moralement, le spectateur veut que Ripley se fasse arrêter, mais il craint sans arrêt qu’il ne le soit.

9. Tu supprimeras les dialogues, souvent inutiles : Il y a une grande économie de moyens de ce côté-là dans Ripley. Ceux qui parlent énoncent souvent des bêtises sans le savoir (le père, le privé…) ; Greenleaf, riche dilettante, reste emmuré dans son personnage qui croit maitriser le prolo Ripley, et Marge, tellement convaincue d’avoir été rejetée, finit par croire Ripley quelle soupçonne pourtant depuis le début. Tout passe par des silences, des regards, bref, du cinéma…

Dans ce huis clos qui accumule les labyrinthes (escaliers, ruelles, …), où l’Océan n’est qu’un lieu sinistre où se noue le drame, le spectateur est amener à contempler le haut et le bas et de la pyramide, comme en témoigne les multiples plongées-contre plongées*. Comme une démonstration visuelle de l’angoisse sourde qui noue du Sisyphe-Ripley, qui espère atteindre l’Olympe mais craint en permanence de retomber aux enfers…

* copyright Maître Belphegues




jeudi 1 août 2024


Victoria
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

Bon ben voilà, on sait à quel emploi – comme on dit chez les professionnels de la Profession – on peut affecter Virginie Efira : la Comédie ! C’est là que la franco-belge est convaincante. Tout en retenue, et pourtant hilarante. On n’était pas convaincu par la Sibyl de Sibyl ni la Benedetta de Benedetta. Le sérieux ne te va pas au teint, Virginie ! Justine Thiriet, dont on fait la filmographie à l’envers (bientôt La Bataille de Solférino), révèle aussi un talent pour la comédie, peu décelable chez la furiosa antimacroniste.  

Victoria, c’est l’histoire d’une avocate à la ramasse qui gère ses deux gamins, ses amants idiots et son ex, écrivain-blogueur foutraque. Voilà que surgit Vincent, un client séduisant (et séducteur, le toujours excellent Melville Poupaud) accusé d’avoir poignardé sa chérie (une bimbo folle furieuse) à un mariage auquel assistait, justement, Victoria.

Le beau gosse nie, mais il est lui aussi complètement barré, et contre toute logique déontologique, Victoria accepte de le défendre. Surgit alors une aide inattendue, en la personne de Sam, (Vincent Lacoste, impérial) en assistant-baby sitter éperdu d’amour pour sa MILF de patronne.  

Tout cela est mené tambour battant avec un scenario impeccable, qui ne cherche ni le gros gag ni la punchline qui tache, et se permet néanmoins d’amener une touche sentimentale sur la fin.

Du grand art.

Madame Triet, de grâce, revenez faire un tour en comédie !




mercredi 31 juillet 2024


Baby Driver
posté par Professor Ludovico dans [ Brèves de bobines ]

L’œil exercé du CineFaster n’a pas manqué de détecter le piège. Non, Baby Driver n’est pas le film d’Edgar Wright (Hot Fuzz, Shaun of the Dead), mais bien un film caché de Luc Besson. Punchlines à tous les étages (même pour passer le sel), chorégraphies (même pour passer le sel), blagues racistes ? On est bien chez l’immarcescible auteur d’Angel-A, chez le producteur de Taxi 12345.

Le Professore Ludovico a beau être tombé amoureux du poupin Ansel Elgort (Tokyo Vice), ça ne va pas suffire pas pour supporter 113mn de baby driving.

Passons à autre chose.

Victoria, par exemple.




samedi 27 juillet 2024


Sibyl
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Brèves de bobines -Les films ]

C’est confirmé, Justine Triet est une cinéaste. Quelqu’un, donc, qui croit à la capacité du cinéma de posséder son propre langage. Sibyl démontre amplement cela. Si le film paraît si emmêlé qu’il fait penser à Antonioni, il reste parfaitement lisible.

Une psy (Sibyl), interprétée par Virginie Efira – que le Professore peine à trouver vraiment convaincante, mais qui se donne à fond dans le rôle – décide d’arrêter son activité d’analyste pour enfin écrire son roman. Elle est rattrapée contre toute attente par Margot, une jeune actrice au bord de la crise de nerfs (Adèle Exarchopoulos). Le piège est tendu. S’entame alors un jeu masochiste et vénéneux entre la blonde affolée et la brune manipulatrice, qui l’entraine dans son vortex. Transportée sur le tournage de Margot, notre héroïne va affronter une bande de psychopathes tous plus retors les uns les autres : l’amant (Gaspard Ulliel), la réalisatrice (Sandra Hüller).

Dans une réalisation magnifique où les sons, les images se superposent dans le décor majestueux du Stromboli, Justine Triet use de cette narration entremêlée, non pour cacher le vide du propos (façon Nolan ou Villeneuve), mais, au contraire, pour illustrer la confusion des sentiments.

Excellente recommandation du Professorino, qui bientôt dépassera le maître.




vendredi 26 juillet 2024


Dark Winds
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]

C’est avec une grande surprise que nous avons découvert que Dark Winds, l’adaptation des livres de Tony Hillerman, débarquait sur Canal+ . Nous avions découvert le polar à sauce Navajo en visitant le pays natal, entre Kayenta et Shiprock. Un pays magnifique, gorgé de soleil, qui invoque forcément chez le cinéphile les mânes de John Ford.

Dans le haut de la pile des polars régionalistes, Hillerman s’était pris de passion pour les Diné (le vrai nom des navajo) et avait créé deux héros dans la Navajo Tribal Police, Joe Leaphorn, vieux flic moderne, et Jim Chee, son jeune adjoint traditionaliste. Ces personnage à front renversé enquêtent différemment, s’opposent, puis collaborera, sur des meurtres en territoire Navarro. Meurtres qui, souvent, ont des explications au-delà du rationnel.

Ici, on adapte un des meilleurs, Femme qui Ecoute, polar autour d’un meurtre lié à un braquage qui fait remonter à la surface de veilles histoires, comme de bien entendu.  C’est plutôt réussi. Tourné sur place, avec des scénaristes et des comédiens locaux. Il manque un petit rien pour que ce soit vraiment bien. D’abord, lèse-majesté, ils ont inversé les deux flics, ce qui perd son sel, et le final est très conventionnel.

A voir ce que donne la saison 2.