mardi 16 février 2021


Katalin Varga
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

L’abondance des chaînes de streaming, fait que désormais tout le cinéma – ou prou –  est désormais à notre portée. On s’abonne donc, via Prime Video, à MGM, à MUBI, pour voir les chefs-d’œuvres invisibles de Peter Strickland, Monsieur Duke of Burgundy et Berberian Sound Studio.

On parlera bientôt de son dernier film In Fabric, mais voici donc Katalin Varga, le premier film qui a coûté son héritage au petit Peter. Une fois mis sur la table les 30 000 €, Peter Strickland a pu tourner 17 jours avec une équipe réduite, au cœur de la Transylvanie*. Il en a ramené un film, mais surtout les tropes de son cinéma : les « choses cachées depuis la fondation du monde** » et que le spectateur doit découvrir, une ambiance fantastico-vampirique accolée au monde actuel, et une ambiance mi-sexy, mi-macabre, et des punchlines mystérieuses***. Peter Strickland y a aussi découvert son actrice fétiche, Fatma Mohamed, qui irrigue depuis sa filmographie.

Soyons francs, Katalin Varga n’est pas vraiment au niveau de ses futurs films. Il n’en a pas les moyens, mais les racines sont déjà là. Quand la jeune paysanne éponyme est obligée de révéler à son mari que son fils n’est pas son fils, la voilà jetée sur les routes des Carpathes pour « rejoindre la grand-mère malade »… En tout cas, c’est ce qu’elle dit à son fils.

Un antique chariot à cheval, un enfant, des rencontres, et l’intrigue qui, peu à peu, se dévoile. Où va Katalin Varga ? A Jadszereda… Pour y faire quoi ? Retrouver quelqu’un… Le film serait très basique s’il ne se contentait que de cela. Mais par la musique, le cadrage, Strickland transforme cette épopée dans les Carpates en pur cinéma : zooms étranges, barque qui virevolte en travellings circulaires, musique angoissante, bruits amplifiés… Bientôt le spectateur est ailleurs, mais où ?

La réponse n’a que peu d’intérêt, car il ne s’agit en réalité que d’une chose.

De cinéma.

* Il a galéré ensuite pour se payer une postproduction
** Pour citer René Girard ou le Framekeeper
***« Ne remerciez jamais quelqu’un qui vous indique la route de Jadszereda »




mercredi 20 janvier 2021


Subway
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films -Pour en finir avec ... ]

On a le longtemps renâclé à l’idée de revoir Subway. Le film de nos vingt ans était trop important, trop viscéral. Et on ne savait que trop bien ce que le cinéma de Besson était devenu. Quelques scènes du Grand Bleu avait suffi à nous convaincre qu’il ne fallait pas retourner sur les chemins de la jeunesse ; ils avaient changé – nous aussi.

Pour autant, il est difficile d’expliquer aujourd’hui ce que Subway représentait pour la jeunesse de 1985. C’était avant tout un film d’action excitant, drôle, émouvant. Mais surtout, il était fait pour nous, par l’un d’entre nous. Besson n’avait pas fait d’école de cinéma, il sortait de nulle part : c’était l’équivalent punk du septième art. Mais il avait à peu près notre âge, savait ce qui nous émouvait, ce qui nous faisait rire… et il était bien le seul dans le cinéma français ! Si un type comme lui pouvait trouver de la pellicule pour tourner Le Dernier Combat, on pouvait le faire aussi…

Subway incarnait cela, mais plus encore : notre état d’esprit, fait de rébellion et d’arrogance, contre ces horribles années 70, giscardiennes, à la fois hippies et compassées. Subway parlait des Halles où nous traînions. Des catacombes, où nous nous aventurions la nuit venue… De musique, où nous nous lancions…

Le casting de Subway était le reflet parfait de cette génération : Adjani, qui était à trente ans la reine incontestée du cinéma français, Christophe Lambert, qui émergeait, mais aussi Richard Bohringer et Jean-Hughes Anglade, qui incarnaient les outsiders de génie, déjà vus dans Diva ou à venir dans 37°2 Le Matin, autres films cultes de cette génération.

Revoir Subway aujourd’hui, c’est donc se confronter à ce cinéma (qui a techniquement peu vieilli) mais aussi aux valeurs un peu surannées qu’il transporte. Certes, la rébellion bourgeoise d’Adjani à la table du Préfet sonne un peu faux aujourd’hui*, alors qu’elle faisait notre joie en 1985.

Mais le reste tient la route. Besson est le premier à montrer l’autre France, ces immigrés qui font le métro (la fête d’anniversaire, l’haltérophile). Cela a l’air évident aujourd’hui, mais Besson fut le premier, au moins dans ce genre grand public.

Il ridiculise la police, en la personne de Batman** (déjà génial Jean-Pierre Bacri !) et du commissaire Gesberg*** (immense Galabru !), mais derrière la comédie, se profile une belle tragédie : l’histoire d’un enfant blessé, autiste, clown triste et punk (Lambert) qui vole les riches (Adjani) pour monter un groupe de rock. Une vraie tragédie, qui finit mal.

La force du film, c’est à la fois les décors d’Alexandre Trauner, les comédiens, servis par les meilleurs dialogues que Besson écrira : une sorte, – osons la comparaison de l’époque – d’Enfants du Paradis des années 80.

Mais le plus étonnant là-dedans, c’est que tout le cinéma de Besson à venir est dans Subway : le cinéaste ne fera que des copies de ce film : des femmes belles et rebelles (Nikita, Jeanne d’Arc, Lucy), des héros au visage d’enfant (Leon, Arthur et les Minimoys), des voitures dans des courses-poursuite incroyables (Taxi, Le Cinquième Elément), des flics idiots (Taxi) et des adultes défaillants (Le Grand Bleu, Arthur). Mais on ne peut pas faire à cinquante ans le film qu’on faisait à vingt.

C’est toute la force de Subway, et toute la faiblesse du cinéma de Besson.

*« Monsieur le préfet, votre dîner est nul, votre baraque est nulle, et je vous emmerde tous ! »
** « Chier, merde ! Chier !! »
*** « C’est terrible, hein? Cette violence qui sommeille en chacun de nous ! »




mercredi 6 janvier 2021


TéléObs vs Wikipedia
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... -Les gens ]

Petite anecdote qui démontre, une fois de plus, l’effet dévastateur d’internet sur la crédibilité des « élites ». Et ce, dans notre petite sphère cinéphilique…

L’anecdote : François Forestier publie un petit article sur Alien dans TéléObs, le supplément télé du Nouvel Observateur. François Forestier n’est pas n’importe qui :

François Forestier, né Jacques Zandrowicz le 25 décembre 1947 à Paris, est un journaliste au Nouvel Observateur. Il a collaboré à de nombreuses publications, dont L’Express, VSD, ELLE, Première, Studio magazine et Vogue.

Le Professore n’est pas omniscient, il vient de trouver ces trois lignes dans Wikipédia…

Ce qu’aurait dû faire, a minima, François Forrestier. Car son tout petit article est bourré d’erreurs : « Ridley Scott, réalisateur venu de la pub, invente une histoire de mission commerciale interstellaire parasitée par un visiteur inattendu ». Non Ridley Scott n’est pas le scénariste d’Alien, c’est Dan O’Bannon. « Ridley Scott a une superbe idée : il confie la conception du monstre à Mœbius » Non, le monsieur s’appelle Giger. «[Mœbius] imagine une bête dingue : elle […] se reproduit par parthénogenèse ». Pas du tout, elle insémine des humains. « En plus, elle est fabriquée en « slime » (pâte gluante) et plaît donc aux enfants » Serait-ce un poisson d’avril, dès le 4 janvier ?

On pourra retoquer que tout ça n’est bien grave, qu’il s’agit d’une simple chronique télé, un entrefilet vite oublié… Au contraire, c’est une petite étape de plus vers la décrédibilisation des élites.

Comme F. Forrestier, le Professore aime à sa fier à sa mémoire immense de cinéphile pour rédiger ses chroniques, Mais son cerveau gauche le ramène souvent sur terre : es-tu sûr que Full Metal Jacket est sorti avant Le Maître de Guerre* ? Avatar est-il toujours le film qui a rapporté plus ? Harrison Ford a-t-il tourné avec George Lucas avant Star Wars ? Je vous laisse chercher ces réponses sur IMdB, Wikipedia, et tout ce que ces formidables outils peuvent vous apporter comme réponse…    

Avant Internet, des hiérarchies étaient fermement installées sur leur pyramides de savoir. Si vous étiez prof, journaliste, médecin, garagiste ou cinéphile, vous saviez et le type en face en savait, au mieux, beaucoup moins que vous… Aujourd’hui, le moindre type qui se pointe à la Fnac en connait plus que le vendeur, car il a le savoir du monde entier à portée de smartphone. L’élève peut contester les informations de son professeur. Le malade, proposer une alternative à l’ordonnance de son médecin, etc.

Cela pose évidemment des problèmes, mais ouvre aussi d’immenses opportunités. Quand Gutenberg a permis à tout un chacun de lire la Bible, il a déclenché une immense révolution sociale : la lecture a donné accès à la culture, à la science, et plus rien n’a été comme avant…  

* Copyright Karl Ferenc




mardi 5 janvier 2021


Fargo
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Séries TV ]

Alors que la saison 4 de Fargo se termine, et que tout le monde s’accorde sur ses qualités mais en reconnaissant que c’est un objet différent, plus politique, moins fun, plus adulte, on réalise qu’on n’avait parlé que succinctement de la meilleure série de ces finissantes années dix.

A vrai dire, on a mis du temps à tenter le voyage jusqu’au Minnesota*. Parce que déjà, on avait du mal à imaginer qu’on puisse faire une série sur le chef-d’œuvre des frères Coen, LE film qui les a installés, eux, leur style loufoque, baroque, et pourtant tiré au cordeau, sur le panthéon du cinéma mondial. Ensuite on avait un peu été échaudé par Noah Hawley et son Legion, certes brillant et prometteur, mais brouillon et assez incompréhensible.

Mais voilà, après de multiples relances du Snake, on lance Netflix (ou Salto). Premier bon point, le tacle tongue -in-cheek aux biopics : « Ceci est une histoire vraie. Ces événements ont eu lieu dans le Minnesota en 1987. À la demande des survivants, les noms ont été changés. Par respect pour les morts, le reste est décrit exactement comme cela s’est déroulé. »

Et dès le premier épisode, le Professore ne peut que constater le chef-d’œuvre absolu. Mise en scène, narration, dialogues, dramaturgie, mise en scène, cadrage, son, musique, acteurs : Fargo est la perfection même.

Doublement, car Noah Hawley ose marcher dans les pas d’un autre, tout en laissant ses propres traces. Quel pari risqué, en effet, que de s’attaquer à chef d’œuvre reconnu (le film Fargo), en réutiliser la trame, en reprendre le principe même (la tragédie des idiots), et les principaux ingrédients (la bêtise meurtrière, le happy end paradoxal des « gentils »), en copier les canons esthétiques (cadrage, musique…), pour au final, produire sa propre œuvre, ample, majestueuse et originale…

Triplement, car Hawley arrive à étendre le concept sur quatre saisons, avec à chaque fois une histoire différente, mais en gardant le même esprit… tout en les reliant très subtilement les unes aux autres… et créant au final une sorte de Fargo/Frères Coen cinematic universe

Oui, Fargo est le chef-d’œuvre sériel de ces dix dernières années… Bravo l’artiste !

* Pour les pointilleux, Fargo (la ville) se situe dans le Dakota du Nord, mais Fargo (la série) se déroule pour l’essentiel dans le Minnesota.




jeudi 31 décembre 2020


Bilan 2020
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... -Les films -Playlist -Séries TV ]

Quel bilan tirer d’une année aussi extraordinaire que 2020 ? Sur le plan du cinéma – puisqu’on est ici pour parler de ça – c’était évidemment une année tragique. Mais, malgré les déclarations, non, le cinéma ne va pas disparaître en 2021.

S’il est évident qu’il va y avoir de la casse, il y aura toujours besoin de cinéma, et toujours besoin de salle pour le voir. Et derrière le prétexte COVID, il y a bien sûr – comme toujours – de sombres arrières pensées économiques…

Car cette histoire est vieille comme le monde. Quel que soit le secteur, qu’on parle de carottes ou de cinéma, il y aura toujours des producteurs (ici, les studios), et des consommateurs (le public). Et comme dans tout système économique, il y a toujours des petits malins qui viennent jouer les intermédiaires. Pour projeter des films, il faut des salles. Et pour acheminer et produire des copies, il faut des distributeurs. Depuis les débuts d’Hollywood, les studios s’essaient à l’intégration verticale, de Paramount à UGC, pour maîtriser toute la chaîne de production et ne pas avoir à partager les profits, car ces intermédiaires prennent 20 à 30 %  – chacun – du ticket de cinéma.

Déjà, avec l’avènement du numérique, les studios avaient supprimé un intermédiaire en se débarrassant des copies argentiques ; désormais des gros fichiers, quasi gratuits, à télécharger dans la salle.

Et voilà qu’à nouveau la tentation est grande de se débarrasser carrément de la salle, pour aider au lancement des services de VOD et faire plaisir à Wall Street. Envoyer directement Soul sur Disney+, Dune et Wonder Woman 1984 sur HBO Max. Si la Warner (voire même une partie des spectateurs) peut s’en contenter, l’artiste, lui, ne s’en contente pas.

De sorte que l’on voit une rébellion fortement médiatisée poindre chez ces deux gros blockbusters de l’année, qui refusent que leur Grande Œuvre soit diffusée sur un écran 16 pouces. Demander à Denis Villeneuve, qui peint à la main son Dune sur une toile de quinze mètres de haut sur vingt six mètres de large*, c’est comme demander à Hermès de transformer ses foulards en essuie-tout…

La comparaison avec le Luxe ce n’est pas fortuite : la salle est depuis l’après-guerre le show-room prestigieux où l’on expose les produits (en faisant monter la hype) avant de les distribuer en masse via la télévision.

Mais pas seulement. Il y aura toujours des salles, tout simplement parce que le public le veut. Inviter Justine au MK2 Bibliothèque pour voir le dernier Justice League (et peut-être aller boire un verre), ce n’est pas la même chose que de regarder Ben Affleck sur son canapé…

La base de tous les loisirs, c’est de créer un lieu de rencontre et de sociabilité. Qu’on soit au Gaumont Montpellier, au Parc des Princes, au Théâtre de l’Odéon ou dans un Bar-PMU, les lieux de loisirs sont aussi importants que le loisir lui-même : un endroit où on crée du lien, en débattant ensemble des choses qui nous passionnent…

Après cette longue introduction, que dire de 2020 ? En ayant vu 6 films, le Topten est un exercice aisé :

1 – 1917
2 – Tijuana Bible
3 – Baby Face (une reprise du cinéma pré-code Hays)

Et le Bottom aussi :

1 – Eté 85

Evidemment, c’est côté télé que la cinéphilie a été la plus active, pour les raisons que l’on imagine : 60 films, avec quelques belles découvertes, qui parfois… ne sont pas sorties en salle ! C’est le cas de Prospect et de The Vast Of Night, deux perles SF, mais aussi de Mid 90s, le film sensible et émouvant de Jonah Hill. Mais en réalité, l’année a surtout servi à revoir des vieux classiques comme A La Poursuite d’Octobre Rouge, Des Hommes d’Honneur, The Big Lebowski ou de voir et revoir (4 fois !) First Man

Côté série, pas moins de 43 saisons, avec Dark, The Crown, Fargo, Ratched, Stateless, The Boys, Perry Mason, mais aussi les documentaires comme l’incroyable Tiger King, qui en dit plus sur l’Amérique que bien d’autres films, et les séries sportives toutes plus passionnantes les unes que les autres (Drive to Survive,  Sunderland, Movistar pour ne pas les nommer.)

S’il ne devait en rester qu’une, Tales from the Loop – une Quatrième Dimension plongée dans le mélo familial – serait un bon candidat : mais on retiendra Our Boys (à ne pas confondre avec The Boys), magnifique The Wire israélien, à mi-chemin entre David Simon et Asghar Farhadi…

Une fois de plus, le grand spectacle est au cinéma, mais la subtilité, la maturité est à la télévision…

*C’est, selon Wikipedia, la taille de l’écran du Gaumont Montpellier…




vendredi 11 décembre 2020


Le Jeu de la Dame
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]

Au moment où Hollywood comprend que la télé a gagné, au moment où la Warner est capable de brader ses licences à X zillions de dollars (Dune, Wonder Woman), pour les diffuser sur des iPad 9’’ (Mulan), afin de, comme le dit simplement Denis Villeneuve, faire monter le cours de l’action, il ne reste plus au CineFaster qu’à regarder cette susdite télévision, et ce qu’elle propose de meilleur, comme Le Jeu de la Dame.

Queen’s Gambit : une série capable de vous passionner sur les échecs, les années 50, les orphelinats : Les Aventures de l’Orphelin Spassky chez les Mad Men : tout un programme.

Mais surtout, une série capable de raconter sa propre histoire sans se sentir obligé par le biopic. De créer ses propres personnages, sans s’embarrasser de true story.  Orphelin peut-être, malheureuse sûrement, mais la Reine Beth Harmon, interprétée sèchement par Anya Taylor‑Joy, est un personnage tout sauf feelgood, sans excuses ni rédemption. Une fille pas baisante, sympa avec personne, odieuse avec tout le monde, mais qui déclenche quand même l’émotion.

Et quand on y regarde de plus près, les autres personnages sont à l’avenant : à chaque fois qu’on croit qu’on va tomber dans le cliché, Le Jeu de la Dame s’en éloigne. La directrice revêche de l’orphelinat va torturer notre jeune héroïne ?  La mère adoptive, alcoolique, et malheureuse, l’abandonnera pour un Martini Dry ? La copine black du Kentucky jouera la Black Panther de service ? Le copain, fuck friend avec qui on devra forcément coucher? Le méchant russe qui complote contre l’héroïne ? À chaque fois, Queen’s Gambit s’écarte, et poursuit bonnement son chemin… Comme un pion qui a remonté l’échiquier et va tranquillement à Dame.

Echec et mat.




lundi 30 novembre 2020


Titanic, plongée n°9
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... -Les films ]

Titanic passe sur TF1. On se dit qu’on va regarder les vingt premières minutes, exemple parfait d’installation des enjeux et de préparation paiement. Et évidemment on se retrouve à 0h24 à pleurer tranquillement devant le générique.

My heart will go on.

Et comme dans tout grand film, on découvre toujours de nouvelles choses. Aujourd’hui, les mains. On en voit beaucoup dans le film de James Cameron : des mains qui se tiennent, des mains qui se frôlent, des mains qui se lâchent ; métaphore de l’idylle progressive entre Jack et Rose.

Florilège : une première main se tend, pour sauver Rose du suicide… Des mains dessinées par Jack… Des mains qui se caressent, à l’avant du bateau, avant de faire « voler » Rose… Des mains que Rose doit « bien placer » quand Jack la dessine… Une trace de main sur la buée, symbolisant l’extase… Des mains qui la sauvent à plusieurs reprises pendant le naufrage… Des mains qu’il faut « bien positionner » sur la hache pour libérer… des mains menottées, celles de Jack !

A la poupe, quand le Titanic sombre enfin, Jack exhorte Rose de ne pas lâcher sa main, tandis que les tonnes d’acier aspirent vers le fond les pauvres survivants. Évidemment, ces mains se lâchent et ces mains se retrouvent… Puis ces mains se tiennent, amoureusement, sur le radeau glacé en attendant les secours… jusqu’au moment où il faut, une fois pour toutes, accepter la mort de Jack en desserrant ses mains gelées pour le laisser rejoindre les abysses.

Il reste encore une main dans Titanic. Celle de Rose, veinée et vieille, qui s’agrippe une nouvelle fois au bastingage, dans un reflet exact de la première scène de suicide. Mais le cadrage est inversé. Dans la scène du suicide, on est a gauche de Rose, et le Titanic va donc vers la droite, c’est à dire le futur, l’espoir. Dans celle-ci, le Keldysh va vers la gauche : le passé, les souvenirs.

Car cette fois-ci, Rose n’est pas là pour se jeter elle-même, mais pour jeter le Cœur de l’Océan.

Ou plutôt, son cœur dans l’océan.




mercredi 25 novembre 2020


Mathieu Kassovitz, ou pourquoi le cinéma ne fait plus rêver
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... -Les gens -Pour en finir avec ... ]

Qu’est-ce qui pourrait sortir le Professore Ludovico de sa retraite confinée ? Mathieu Kassovitz, qui donne une interview à Konbini. C’est ici, car contrairement à Apocalypse Now, il faut regarder la version longue.

Comme disait Desproges à propose de Marguerite Duras, Kassovitz a dit beaucoup de conneries, il en a aussi filmé. Mais on ne peut lui retirer ni sa sincérité (qui lui a souvent causé du tort), ni son talent, en tant que réalisateur (La Haine, Les Rivières Pourpres) ou acteur : Regarde les hommes tomber, Un héros très discret, Munich, Le Bureau des Légendes, ni son véritable amour du cinéma…

Et là, en quarante minutes, il explique pourquoi le cinéma ne fait plus rêver. Et comme vous n’avez pas quarante minutes, le Professore vous fait la synthèse.

Gratos.

  1. Avant, aller au cinéma était un événement ; il n’y avait dans l’année qu’un Star Wars, qu’un Superman… on l’attendait plein de désir, car il n’y en avait pas d’autres. Aujourd’hui, il n’y a que des Star Wars…
  2. Les effets spéciaux numériques ont tué la magie du cinéma. Dans Mad Max 1, on frémissait pour les acteurs/cascadeurs en se demandant « comment ils avaient fait ça » … Dans Mad Max 4, on est convaincus que tout est en CGI*. On a plus peur pour personne. On ne ressent plus rien.
  3. On ne sait pas exactement ce qu’on voit. « Dans 1917, il y a des explosions. Sont-elles vraies, sont-elles rajoutées ? On ne plus rêver… »
  4. Au contraire, les frères/sœurs Wachowki ont tout compris ; avec Matrix ils ont inventé quelque chose de nouveau pour dire quelque chose de nouveau. La technique au service du message…  
  5. C’est le contraire dans le cinéma français : les réalisateurs ne s’intéressent pas assez à la technique. Dans les films de Spielberg, chaque plan a une raison d’être. Dans un film français, le réalisateur ne sait pas pourquoi ce plan est filmé comme ça… c’est le boulot du chef op’, du monteur…
  6. Les scénarios sont devenus inutilement compliqués : Tenet, Ad Astra, Interstellar… au bout de dix minutes, on est perdus, et on ne se rappelle plus de rien en sortant de la salle…
  7. Fight Club a été la fin du commencement et le commencement de la fin ; la fin d’une certain type de société et aussi d’un certain type de cinéma.
  8. Ce sont les contraintes qui font l’art : le requin animatronique des Dents de la Mer qui ne marche pas, le costume d’Alien qui est ridicule en plein jour, ou Besson sans le sou pour le Dernier Combat, voilà qui obligent les metteurs en scène à inventer. Cacher le requin le plus longtemps possible, filmer Alien dans le noir, filmer dans des friches industrielles sans le son avec des vieilles cameras : c’est de ces contraintes que sont faits les films… or ces contraintes n’existent plus…  
  9. « Dès que j’ai vu l’oreille coupée avec la musique dessus, je me suis dit qu’il y avait un problème » : Kassovitz règle son compte à Tarantino et à sa trop nombreuse cohorte de fans en transe. Avant Tarantino, la violence c’était mal. Montrer de la violence au cinéma, c’était politique. Après Tarantino, la violence est devenue rigolote, funky.
  10. Tarantino, deuxième couche : « refaire pour 100 M$ des films Z qui ont coûté 100 000$, tout le monde peut le faire… »  
  11. Les réalisateurs ne font plus que 30% d’un film : tout est déjà prévu en pré-production, storyboardé, pré-animé, pré-monté : une fois arrivé sur le tournage, il n’y a plus qu’à faire de la politique : éviter les conflits sur le plateau, arbitrer avec le studio, etc.
  12.  « Marcel Carné, si vous n’avez pas vu ça… on ne peut plus faire grand-chose pour vous ! »

Que dire de plus ?




samedi 7 novembre 2020


Ding-Dong! The Witch Is Dead…
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... ]

Once there was a wicked witch in the lovely land of Oz
And a wickeder, wickeder, wickeder witch there never, never was
She filled the folks in Munchkin land with terror and with dread
‘Till one fine day from Kansas way a cyclone caught a house
That brought the wicked, wicked witch her doom
As she was flying on her broom
For the house fell on her head and the coroner pronounced her dead
And thru the town the joyous news was spread


Ding-dong, the witch is dead! Which old witch? The wicked witch
Ding-dong, the wicked witch is dead
Wake up, you sleepy head, rub your eyes, get out of bed
Wake up, the wicked witch is dead!


She’s gone where the goblins go below, below, below, yo ho
Let’s open up and sing, and ring the bells out
Ding-dong! the merry-o sing it high, sing it low
Let them know the wicked witch is dead


Ding-dong, the witch is dead! Which old witch? The wicked witch
Ding-dong, the wicked witch is dead
Wake up, you sleepy head, rub your eyes, get out of bed
Wake up, the wicked witch is dead!


She’s gone where the goblins go below, below, below, yo ho
Let’s open up and sing, and ring the bells out
Ding-dong! the merry-o sing it high, sing it low
Let them know the wicked witch is dead

Le Magicien d’Oz, Victor Fleming




jeudi 27 août 2020


Tenet
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Avec le Professore, c’est toujours un peu le monde à l’envers*. Ses ennemis disent d’ailleurs qu’il adore adorer ce que tout le monde déteste, et vice versa. Force est de constater que cet axiome se vérifie aujourd’hui avec Tenet. Alors que la critique voue le film aux gémonies (Le Nouvel Obs, Le Monde, Libération**…), Ludovico s’est bien marré au nouveau Nolan.

C’est probablement que le Professore n’arrive pas à se faire comprendre sur ce qu’il théorise sous le nom de la « physique » au cinéma, reprenant par-là un terme de jeu vidéo. Dans Mario, les lois physiques ne sont pas les mêmes que dans Call of Duty. Quand on tombe de la tour de Princess Peach, on rebondit dans le premier, mais on meurt dans le second. Il en va de même au cinéma ; les lois qui gouvernent le monde physique des Avengers ne sont pas celles de Die Hard, même s’il s’agit de deux films d’action. Et il ne s’agit pas forcément d’un travail très conscient de la part du réalisateur ; les premières minutes du film suffisent en général à installer cette physique…  

Au début de Tenet, on comprend vite qu’on n’est pas dans le film d’action nolanien type, c’est-à-dire enrobé d’une couche de sérieux assez pontifiant, à la Dark Knight ou Interstellar… Certes, on parle de la fin du monde, mais plutôt sur le mode fun, jamesbondien. L’action, les rebondissements, le bigger than life seront les ressorts principaux de Tenet, et pas l’introspection des relations parentale ou la critique du capitalisme boursier.

Au contraire, on explique que le meilleur moyen de s’introduire dans une tour de dix étages, c’est le saut à l’élastique, on a compris qu’on n’était pas chez Philippe Garrel. La physique « film d’action Michael Bay » a été installée, même si le film porte les couleurs (ternes, évidemment) du style réaliste nolanien. Vous pouvez sortir le coca et le pop-corn et vous laisser entraîner dans les aventures temporelles de nos protagonistes(John David Washington, Robert Pattinson, très sobres et très bien)… Comme d’habitude chez Nolan, c’est pas très clair dans le détail, mais on s’en fiche.

On comprend donc que le film, contrairement à Interstellar, contrairement à Dark Knight, n’est pas über-ambitieux, et ne ment pas sur ce qu’il va proposer. Tenet apporte la distraction qu’il a promis, ni plus ni moins. Et on peut dire qu’il y a longtemps qu’on ne s’était pas autant amusé au cinéma.

* Titre, par ailleurs, d’un excellent court métrage de AG Beresford…
** A l’exception notable des Echos, merci Karl Ferenc.