mercredi 15 novembre 2023
Country Music, L’Amérique face à l’Holocauste, et Rétrospective Ozu
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -
Documentaire -
Les films ]
Bon ça n’a pas grand-chose à voir, mais trois bonnes nouvelles à la fois, ça ne fait pas de mal en ce moment…
Deux Ken Burns pour le prix d’un : le tout nouveau, et toujours passionnant L’Amérique face à l’Holocauste mais aussi la reprise de Country Music Une Histoire Populaire des États-Unis, un documentaire éclairant sur cette musique méconnue (et donc méprisée), qui vient pourtant du métissage européano-africain qui a fait l’Amérique. Loin du cliché du cowboy qui chante son camion en panne, en tout cas…
Et si l’envie vous prend d’attaquer un porte-avions américain, il reste toujours la possibilité de choisir dans les dix films de Yasujirō Ozu. Le Professore Ludovico n’en a vu que trois, mais vous pouvez toujours vous adresser au Framekeeper !
Bonjour
Voyage à Tokyo
Fin d’automne
Printemps tardif
Fleurs d’équinoxe
Été précoce
Crépuscule à Tokyo
Le goût du saké
Printemps précoce
Le goût du riz au thé vert
Tout cela est sur Arte est c’est gratuit !
vendredi 10 novembre 2023
Killers of the Flower Moon
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]
« Des hommes on peut dire ceci, qu’ils sont ingrats, changeants, simulateurs et dissimulateurs, fuyards devant les périls, et avides de gains…»
On ne sait pas si Martin Scorsese a lu Nicolas Machiavel mais ces Tueurs de la Lune aux Fleurs ne raconte que ça : comment l’humanité ne change pas, comment l’humanité ne changera jamais…
Quand on va voir un Scorsese, on sait qu’il y a un style Scorsesien : montage virevoltant, violence débridée (mais non dénuée de morale), et Gimme Shelter à un moment ou à un autre…
Mais ici, on va de surprise en surprise : Martin Scorsese semble avoir pris son temps pour raconter cette histoire d’indiennes Osages épousées, puis assassinées méthodiquement, afin de s’emparer de leurs terres…
Non seulement le film est long (3h30), mais le rythme aussi. Pourtant on ne s’ennuiera pas une seconde. La violence, cantonnée à sa clinique description, n’en sera que plus atroce, et plus surprenante à chaque fois. C’est comme si Martin avait littéralement laissé tomber son costume de Scorsese. Sans aucune affectation stylistique, se cantonnant à de simples champs-contrechamps, à des plans fixes, rien ne viendra contrarier la description, lente mais implacable, de l’avidité et de la bêtise*.
C’est un Leonardo DiCaprio des grands jours qui arrive, la mâchoire serrée, à Fairfax, Oklahoma. Ernest, vétéran de la Guerre 14, a l’air bête à manger du foin, mais son oncle King Hale (De Niro) est intelligent pour deux ; il l’accueille et le conseille sur son intégration dans cette communauté si particulière, où les Indiens sont ultra riches et les blancs, pauvres, travaillent pour eux…
Scorsese va alors lentement déployer son complot criminel. La bêtise d’Ernest devient tragique. L’avidité de King Hale, cachée derrière une apparente bienveillance, se révèle, et l’on est pris par surprise, comme Mollie, l’épouse Osage d’Ernest, et nous nous mettons à vivre dans la peur…
Or le cinéma, c’est justement vivre ce que les personnages ressentent. Rarement Scorsese aura atteint ce niveau d’empathie. Il le tiendra jusqu’à la fin, et révèlera, en clin d’œil, à quel point il est tombé amoureux de son sujet…*
Un de ses plus grands films, assurément.
* Soulignée par la très belle musique – omniprésente mais discrète – de son ami de toujours, feu Robbie Robertson, ex-leader de The Band
** Qui est pour moi un des rares ratés du film, car il fait sortir le spectateur du film…
mercredi 8 novembre 2023
Army of the Dead
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -
Brèves de bobines -
Les films ]
Zack Snyder est un indécrottable adolescent, même quand il fait un film pour les enfants de douze ans. Son Army of the Dead a tout pourtant pour séduire le CineFaster. Scénario débile à souhait (20 000 000 de dollars à aller chercher dans un coffre-fort, dans un Las Vegas infesté de zombies), une bande de casseurs bien stéréotypée, la fille du héros qui vient mettre le binz dans le plan bien huilé, et le traître de service.
Mais Zach Snyder n’a pas fait de bon film depuis dix ans… Sucker Punch (et on est gentils…)
Là où sur le même canevas, Michael Bay tisse The Rock ou Simon West Con Air, Zack Snyder arrive à tout foirer. Il n’a même pas l’air de savoir que son film est une comédie, puisqu’il termine ça en tragédie parfaitement ridicule.
Une fois de plus, Netflix gâche son argent en donnant carte blanche à des cinéastes… qui mériteraient d’avoir un vrai producteur à leurs côtés…
mercredi 8 novembre 2023
Seuls les Anges ont des Ailes… sur Arte
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -
Brèves de bobines -
Les films ]
Le chef-d’œuvre de de Howard Hawks passe sur Arte, ne le manquez pas !
Arte
Prochaine diffusion : 27 novembre à 13h30
mardi 31 octobre 2023
Tel-Aviv on Fire
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -
Les films ]
Sur le conseil de Notre-Dame de Nazareth, nous regardons Tel-Aviv on Fire. Ça détend de BFM TV/France Info que nous regardons en ce moment, ou de Fauda, que nous binge-watchons également. Autant Fauda est sombre, une sorte de 24/Bureau des Légendes/Homeland ultra violent et pas toujours réussi, autant Tel-Aviv on Fire est léger et drôle, mais beaucoup plus profond peut-être.
L’argument pourrait sortir d’une comédie italienne des meilleures années, ou d’un Roberto Benigni bonne période : Salam est un proto-scénariste palestinien qui travaille à Ramallah, mais qui vit à Jérusalem. Il passe donc le checkpoint tous les jours. Mais quand Asi, son capitaine israélien, croit comprendre que Salam est le scénariste attitré du soap opéra préféré de sa femme, « Tel-Aviv on Fire », voilà Salam embrigadé dans un chantage sans fin. Soit il modifie le scénario selon les desiderata du capitaine, soit il ne passe plus, et reste coincé à Jérusalem.
De cette situation, Sameh Zoabi tire l’essentiel comique. A sa disposition, un très bon acteur, Kais Nashe. Bafouilleur, hésitant, gaffeur, indécis, il semble n’avoir aucune présence, mais de fait occupe l’écran.
Car au-delà de la comédie gentiment entrelacée de love story, d’oncle et de cousins encombrants, et de scénaristes patauds, Tel-Aviv on Fire travaille quelque chose de puissant sur les Israéliens et les Palestiniens. Ces deux-là sont pareils, écoutent la même musique, mangent la même nourriture, aiment les mêmes femmes, mais n’écoute pas le même dieu, qui leur dit pourtant grosso modo la même chose…
De leur inévitable mariage – métaphorique – naîtra quelque chose, mais quoi ?
vendredi 27 octobre 2023
24 Hour Party People
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -
Les films -
Les gens -
Playlist ]
Le temps passe, on regarde 24 Hour Party People, le film de Michael Winterbottom pour la troisième fois. Le film a vingt ans, mais il ne vieillit pas, pas plus que son sujet. Cette chronique ultra ciblée de la scène de Manchester aux tournants des années 80, Joy Division, New Order, Factory est une tragi-comédie qui ne cesse de faire rire et d’émouvoir.
À la base, l’histoire est extraordinaire. Tony Wilson, présentateur télé local, assiste au fameux concert mancunien des Sex Pistols au Lesser Free Trade Hall. Nous sommes en 1976, les Pistols débutent, et, selon la légende, ils ne sont que 42 dans la salle. Pourtant, ils vont tous – ou presque – devenir célèbres. Ian Curtis, Peter Jook (Joy Division), Morrissey (The Smiths), Howard Devoto, Pete Shelley (Buzzcoks) assistent à ce concert*. Tony Wilson, lui, ne montera pas de groupe, mais ouvrira un lieu pour les accueillir, puis un label pour les produire (Factory Records), puis une boîte pour les faire danser (The Hacienda), tous devenus légendaire, engendrant une scène qui révolutionnera plusieurs fois la musique populaire : Joy Division, New Order, Happy Mondays…
Au lieu d’emprunter aux codes classiques du Biopic, Michael Winterbottom invente l’autobiopic. Pour cela, il a un véhicule idéal : le toujours génial, toujours ultrabritish Steve Coogan. Tony Wilson brise le quatrième mur, commente l’action (la sienne comme celles des autres), fait intervenir les vrais protagonistes en cameo, qui eux-mêmes commentent l’action ou corrigent le propos. Tout cela foisonne, comme la réalisation : images d’époque, vidéo, 35mm… Quand la forme est en symbiose avec le fond, on ne s’ennuie pas.
Un montage épique, pour une épopée.
vendredi 27 octobre 2023
Michael Bay : pyrotechnie du patriotisme
posté par Professor Ludovico dans [ Les gens ]
Excellent podcast (comme d’habitude) de Frédéric Sigrist, Monsieur Blockbusters sur France Inter, cette fois-ci sur notre héros républicain d’Hollywood.
On y apprend des choses intéressantes, qui expliquent notamment l’œuvre Bayenne : enfant abandonné, puis adopté par une famille juive démocrate (sic), tyran sur les plateaux mais timide à l’extérieur, obsessions automobiles et service public, etc.
Mais surtout, résonne à nos oreilles une petite musique qui ne peut que nous réjouir. On commence, en effet, à parler d’œuvre Bayenne : comme pour Hitchcock, comme pour Spielberg, la reconnaissance arrive.
Et à CineFast, nous sommes patients…
Michael Bay : pyrotechnie du patriotisme, sur les podcasts France Inter
jeudi 26 octobre 2023
Les Grandes Familles
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -
Les films ]
En 1958, Jean Gabin est dans sa seconde carrière. Après avoir joué le beau gosse rebelle des années 30 dans sa pentalogie magnifique (Pépé le Moko, La Grande Illusion, Le Quai des Brumes, Le jour se Lève, Remorques) il revient fatigué dans les années 50. Le Gabin d’après-guerre se spécialise dans les rôles de vieux con paternaliste. Ça donne des merveilles comme Le Président ou les Maigret, ou des coups de moins bien comme ces Grandes Familles…
Le film commence comme une comédie où une voix off, sarcastique, énumère ce qui fait une Grande Famille : un général, un académicien, un mandarin… Au milieu de tout ça, Noël Schoudler, le patriarche, Jean Gabin himself, le seul comme d’habitude à avoir les pieds sur terre. Mais de fait, cela devient rapidement irritant. Schoudler fait la leçon à tout le monde, à son fils qui veut moderniser son journal, à une gamine enceinte dont on ne connaît pas le père, à son cousin, le dilettante qui dépense l’argent qu’il ne gagne pas (Pierre Brasseur, génial comme toujours…)
On imagine bien ce que pense le grand public à cette époque, celle de la France d’OSS 117 et de René Coty : qu’est-ce qu’il leur met, le père Gabin ! Heureusement qu’il est là pour tenir la baraque, pour incarner les valeurs familiales !! On imagine également, exaspérés, les jeunes de 1958, du rock ‘n’ roll naissant et de la Nouvelle Vague…
Mais voilà, c’est à ce moment précis, où l’on commence vraiment à se lasser du show Gabin, que le film prend une drôle de tournure… Schoudler, dont on a pas vu une seule trace d’amour pour son fils (Jean Desailly), décide de lui donner une leçon financière. Il lui confie la gestion des sucrières Schoudler, le joyau familial, pour mieux démontrer son inaptitude, tout en confondant le dilettante. Il croit faire d’une pierre deux coups, ou, comme on dit en anglais, tuer deux oiseaux avec la même pierre. Il va en tuer un.
On comprend alors le piège tendu au spectateur par Denys de La Patellière : vous aimez bien Gabin ? Et bien voilà ce que ça donne, en réalité…
Comme dans un film américain, néanmoins, le film n’ose pas conclure aussi frontalement, ce serait trop noir pour la star Gabin. Un final un peu tiré par les cheveux va l’exempter d’une partie de la responsabilité, dans une pirouette qui ne trompe personne. Mais le ver est dans le fruit, la Nouvelle Vague arrive…
mardi 24 octobre 2023
Cash
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -
Brèves de bobines -
Les films ]
Sur la recommandation du Rupélien, le Ludovico a regardé ce petit film sympathique sur Netflix… Cash commence fort puisque ça se passe à Chartres, le Midwest du Professore. Cette partie-là (ambiance prolos au service des notables) est pour le coup plutôt bien vue.
Ensuite il y a l’excellent Raphaël Quenard, excellent en arcandier de la Beauce, une intrigue de braquage très bien foutue, emboîtée comme des poupées russes. C’est brillamment rythmé, les prolos sont réussis : on se croirait dans un film américain.
Petits bémols : la bourgeoisie, le monde des cadres sup, est caricaturale et ratée. Et Agathe Rousselle, terrifiante dans Titane, n’est pas excellente. Comme quoi la comédie, c’est un métier plus dur que la tragédie…
jeudi 19 octobre 2023
First and Last and Always ?
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... -
Pour en finir avec ... ]
En 1958, Danny & the Juniors chantaient « Rock’n’roll is here to stay, it will never die ». Hier, le Professore est allé voir The Sisters of Mercy à La Cigale, un concert qu’il attendait depuis 35 ans. 35 ans, c’est à dire 1988, quand Mikke Pikke Pö nous exhortait à sortir du « fuckin’ boogie woogie » des Stones, du Pink Floyd et de Bowie ; ouvrant ainsi la Boite de Pandore des Pixies, de Joy Division et des Sisters of Mercy.
Je ne vais plus trop aux concerts rock, leur rituel me bassine désormais, moi qui ai tant aimé ça : l’attente, le bruit, la fumée, la promiscuité. Tout ça me fascinait, tout ça m’ennuie. Je ne vais plus voir que des gens que je n’ai jamais vu et qu’il faut voir avant de mourir : Dylan, P.I.L., Joan Baez, ou Lady Gaga…
Mais depuis quelques mois, je me dis qu’il faut que je m’arrête : j’en ressors à chaque fois énervé et frustré : est-ce vraiment la peine de mettre des dizaines d’euros dans le genre de soirée ? Ce n’est pas eux, bien sûr, c’est moi, mais c’est quand même un petit peu eux…
Voir un type chanter la révolution (alors qu’il possède sa maison à Ibiza ou un château en Touraine), ou sa frustration sexuelle (tendance viagra plutôt qu’orgiaque), c’est carrément insupportable. C’est la spécificité du rock. On peut jouer du blues, du classique, de la variété, en ayant soixante-dix ans. Pas du rock.
Hier, les Sisters of Mercy étaient partagés en deux. La moitié du groupe venait du groupe originel : Andrew Eldritch, Chris Catalyst, faciles à reconnaitre à leur look sexagénaire, tendance Gaetan Roussel. Deux jeunes guitaristes assuraient devant. Charge à eux d’assurer la posture rock : look eighties, (Rayban Aviator de Eldritch à son heure de gloire), pantalons de cuir et poses guitar hero. Ils surjouaient les Sisters of Mercy de 1988 : totalement pathétique.
Où était passé, par ailleurs, le bruit et la fureur ? Le public pourtant mixte (50% de vieux à T-Shirt First and Last and Always, 50% de jeunes vampires, rouge à lèvres noir) ne dansait pas et chantait peu.
Je ne suis pas un jeuniste. Je ne pense pas que c’était mieux avant. Mais comme Mick Jagger, je pense que le rock est comme la déesse Kali, elle mange ses petits enfants, et tout cela n’est simplement plus de sens. La révolte est ailleurs : dans le Rap (dont je me fous) ou sur Internet (qui m’intéresse beaucoup plus)…
En est-il de même des autres arts ? Pas sûr… La musique classique survit malgré (ou peut-être grâce) à sa spécificité CSP+, le théâtre évolue, le cinéma se réinvente dans les séries. Mais le rock est peut-être comme le cinéma américain ; il meurt comme expression d’une culture, celle des boomers, celle d’une certaine révolte contre l’ordre ancien de l’avant-guerre. Le cinéma US était porteur de ces rêves-là, comme Elvis ou Little Richard.
Le rock n’est pas mort, mais les rockers, oui.